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Entre lac et bocages — La presqu’île de Störland

En France, le mot « presqu’île » a le goût de la mer. Il sent le sel, les embruns et le vent. Il est le petit appendice qui sort des côtes et qui s’avance vers l’immensité de l’océan. Une griffe de granit comme à Quiberon ou une montagne de bruyères comme à Crozon.

En Allemagne, on trouve quelques presqu’îles aussi. Sur la mer Baltique, il y a Holnis par exemple, juste en dessous de la frontière danoise — un poème romantique, une initiation au rêve scandinave, une caresse oculaire aux tons bleus, jaunes et verts.

La presqu’île de Störland, elle, a le goût de l’eau douce. Elle sent les prés, les bocages et les chevaux car elle se trouve dans les terres et au bord d’un lac. Un très grand lac à trente kilomètres de la Baltique, au milieu d’une région riche en paysages vallonnés : la Suisse du Holstein.

Le Grand Lac de Plön

Sur la liste des plus grands lacs d’Allemagne, celui de Plön est le dixième. Sa forme décomposée qui fait penser un peu au continent africain lui vaut 50 kilomètres de rivages, une presqu’île princière — la superbe Ile aux Princes — et un archipel de petites îles peuplées d’oiseaux, surtout au printemps et à l’automne.

Les beaux jours sont revenus dans le Schleswig-Holstein, il était temps. Le soleil brille. Une phrase toute simple mais qui résume bien la situation.

Là où je suis assise, un vent chaud caresse les herbes encore un peu jaunies par l’hiver et fait trembler les premières fleurs de l’année avant de dévaler les pentes du grand pré dans lequel je me trouve. Furtive, la brise poursuit sa route derrière moi, survolant un petit cours d’eau caché dans un fouillis d’arbustes.



Je suis au sommet d’une colline, tout près d’une aire de pique-nique qui passe pour être la plus divine de la région. Cette grande vague verte descend à pic vers le lac de Plön et ses îlots.



Au milieu de l’étendue bleutée, des arbres émergent de l’eau. A gauche, ils s’appellent Alswarder et Konau, à droite, Triebs, Rottenwarder et Langes Warder. Langes Warder, le plus grand de tous, se trouve juste en prolongement de l’Ile aux Princes qui appartient bien à un prince (à l’actuel Prince de Prusse) mais qui s’est transformée en presqu’île il y a presque 150 ans.

D’ailleurs, est-ce que Störland est vraiment une presqu’île elle aussi ? Ne vaudrait-il mieux pas utiliser le terme de péninsule ? C’est ce que je me dis en regardant la carte.

La réserve naturelle de Störland

Störland se trouve au sud du lac et c’est juste à l’endroit où les îles se regroupent que cette excroissance de terre relève son dos rond comme un chat qui s’étire. En face, l’Ile aux Princes s’avance dans l’eau sur deux kilomètres — vers les îles qui semblent flotter. Pour les voiliers, il n’y a que deux passages possibles, le Kanal vers le sud et le Hellok au nord. Etroits tous les deux. Sportifs.

Jetons un petit coup d’œil sur ce beau panaroma et arrêtons-nous un peu sur les détails… sur le vis-à-vis essentiellement boisé de Plön et les îles avec leurs pourtours sablonneux.



Aucune de ces îles n’est habitée même si l’une d’entre elles semble avoir été le berceau de la ville de Plön il y a plus de mille ans durant la colonisation slave. Aujourd’hui, pas le droit d’y mettre un pied. Elles sont le joyau de la réserve naturelle.

Sur les bandes de sable qui s’étalent et qui ponctuent la surface en face de Störland, des oiseaux s’agitent entre les herbes et les broussailles. De temps en temps, l’un d’eux prend son envol et passe au-dessus de ma tête. Une oie. Deux grues. Trois mouettes.



En allemand, on appelle cette réserve naturelle Inseln im Großen Plöner See und Halbinsel Störland — « Halbinsel », donc « demi-île ». Qu’importe ! L’endroit est enchanteur et ses paysages valent une petite promenade. Alors, allons-y. A nous le lac et les hauteurs de Sepel, à nous les champs et les bocages de Störland, à nous enfin les chemins creux et les forêts de Nehmten.

La balade

Partons du tout petit village de Sepel et rejoignons celui de Godau avant de repartir à la case départ par la forêt.

#1 Sepel — Du haut de la colline



Comme Godau, Sepel fait partie des hameaux qui bordent le lac. On y trouve de vieilles fermes, quelques habitations plus modernes et surtout une ambiance rurale. Les jardins ont des potagers, des ânes lancent un beau hi-han de temps à autre et les cours sont peuplées de tracteurs et de tas de fumier. Ici et là, des panneaux indiquent qu’il y a des chambres à louer — pour les touristes qui recherchent la proximité du lac ainsi que le calme et l’air pur réputé de la Suisse du Holstein.

Qui veut faire trempette ou rêver en regardant les îles du lac, peut aller jusqu’au ponton en bas de l’impasse appelée Am See et profiter de la plage minuscule qui se trouve le long du sentier.



Le chemin que nous allons prendre longe les rives du Grand Lac de Plön avant de traverser les paysages champêtres de Störland, une zone protégée depuis 1993.

De la plage, on voit déjà la grande butte qui domine le lac. Des chevaux paissent tranquillement dans un pré, rappelant que le Château de Nehmten qui se trouve à quelques kilomètres de là est connu pour ses écuries et son élevage de chevaux.


Vue du sentier qui longe le lac, la colline a des allures de petite montagne.

A quelques centaines de mètres, une petite porte en bois nous invite à prendre de la hauteur sur le côté droit. C’est là, au même niveau que les chevaux, que se trouve une aire de pique-nique. Le côté nord du pré surplombe une grande partie du lac.

Une fois installé là-haut, il est très difficile de quitter l’endroit. C’est beau, c’est calme, c’est zen. On regarde le paysage, on sort son casse-croûte ou ses jumelles et on respire.



Pourtant, continuons notre petite promenade et marchons encore quelques instants tout près du lac.

#2 Le paysage de bocages de Störland

Le sentier mène vers le petit village de Godau en traversant un paysage de bocages typique de la presqu’île de Störland. Qui ne connaît pas encore la « Knicklandschaft » du Nord de l’Allemagne, a la possibilité de la découvrir ici. Il s’agit d’une série de petits champs délimités par des taillis et des bocages touffus. Ces surfaces d’agriculture extensive sont accessibles grâce à des chemins creux créés au fil des siècles.


Ici, le champ semble avoir servi de verger dans le temps. Quelques petits pommiers et cerisiers poussent entre les herbes hautes.

Les « Redder » comme on appelle ces chemins champêtres dans le Nord, sont bordés de noisetiers noueux et de chênes centenaires qui forment comme un tunnel végétal au-dessus des têtes. Les jeux d’ombres et de lumières permettent aux animaux de se sentir protégés si bien qu’il n’est pas rare d’en rencontrer même en pleine journée, surtout près des trous d’eau et des saulaies. Evidemment, il vaut mieux ne pas faire trop de bruits.


Qui veut reprendre des forces à Godau, peut faire un saut au camping. On y vend entre autres une marque de glace régionale, Packeis, que je recommande. Vous ne pourrez pas vous baigner ici mais entrez quand même dans le village et allez jusqu’au petit ponton qui permet de voir le château de Plön de loin et les moules zébrées de près. L’eau est tellement claire que vous pourrez les voir le long du rivage. Ces néophytes se sont implantés en grandes quantités dans le lac ce qui fait très plaisir aux canards plongeurs. Depuis qu’ils ont découvert ce nouveau filon, leur population a augmenté sensiblement.

#3 Dans le bois de Nehmten

Maintenant, continuons notre route en suivant le sigle que vous voyez en bas à gauche. Pour ce faire, il faut quitter Godau en direction de Nehmten. Juste après un tout petit rond-point (c’est un arbre entouré d’un banc circulaire qui sert d’anneau), un sentier à peine visible bifurque sur la droite et rejoint une forêt. Nous entrons dans le bois de Nehmten, le « Nehmtener Forst ».

Evidemment, il est possible d’aller jusqu’au lac de Stocksee en suivant le rivage. Profitez de la forêt comme vous l’entendez. Pour un petit tour, je vous propose de prendre le sentier Alte Försterei, de tourner ensuite dans le Kühland ou dans un chemin parallèle à celui-ci afin de rejoindre le Kühlandweg. Ainsi, vous retournerez au village de Sepel (chemins visibles sur openstreetmap).

En guise d’exemple, voici un des panneaux que vous trouverez dans la Suisse du Holstein. Vous voyez qu’avec une carte, c’est faisable.


A faire dans la région