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SPO – Là où les dunes commencent

1.300 kilomètres, ça fait à peu près 2.000.000 de pas. A raison de 6.250 pas par heure et sans compter la fatigue, les heures de repos et les crampes dans les mollets, si vous partez des Pays-Bas et que vous marchez sur la digue qui longe la mer du Nord en direction du Nord-Est, il vous faudra un peu plus de treize jours avant d’arriver à la frontière du Danemark — ça fait long, très long et c’est certainement très vite très ennuyeux, mais bon, c’est pour donner une petite idée des dimensions XXL de la digue allemande qui suit tous les contours de la mer d’un bout à l’autre.

Rien que pour le Schleswig-Holstein, on compte 466 kilomètres de côte sur la mer du Nord (les îles comprises). Sur cette totalité, 306 sont endigués et il faut compter en plus le barrage de l’Eider et 340 kilomètres de digues secondaires. Tout ça pour protéger un arrière-pays archiplat et sensible aux inondations et aux ondes de tempêtes.

Aussi, où que vous alliez, vous ne pourrez presque jamais la voir directement, cette mer, parce qu’un grand monticule vert vous en empêchera. Il faudra monter sur la digue pour admirer l’estran qui s’étale partout, plat comme une huître. Et bizarrement, vous ne trouverez presque pas de plages de sable ni de dunes, par contre beaucoup de vase, de prés salés et de moutons. C’est joli, c’est vert et « mal was Anderes » (quelque chose d’autre) comme disent les Allemands mais ce n’est pas forcément ce qu’on attend d’une côte sur plus de mille kilomètres, même si elle fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Heureusement, il y a une ou deux exceptions à la règle. L’une d’elles, une ville balnéaire qui se trouve sur la presqu’île d’Eiderstedt, s’appelle Sankt Peter-Ording.



Entre deux digues

Ici, le cadre exceptionnel attire les touristes depuis le début du siècle dernier. Pas étonnant car les dunes y sont magnifiques et nulle part ailleurs sur la côte du Nord*, on ne peut voir d’aussi grandes plages – au total douze kilomètres de sable blanc et fin.

*En fait, il y a d’autres endroits dans le Schleswig-Holstein où vous trouverez des dunes mais pour y aller, il faut prendre le bateau. Ce sont les îles de la côte, Amrum et Sylt par exemple, qui profitent des courants.



Sankt Peter-Ording, c’est l’endroit où la digue s’arrête et où les dunes commencent. Où on sort son cerf-volant, sa serviette, son pique-nique ou son équipement de kite. Où on peut marcher sur du sable pendant des heures en regardant la mer. Où les mouettes se promènent autour des grandes cabanes sur pilotis à la recherche de petits crustacés. Ces plages sont tellement étendues qu’on a d’ailleurs même le droit d’y aller en voiture et de se garer en plein milieu (c’est le sujet d’un ancien article).



De SPO à SPOT

Difficile à croire mais pendant longtemps, Sankt Peter-Ording resta un village de pauvres. Ses tonnes de sable se déplaçaient constamment sous l’effet du vent. Du coup, on n’avait pas pu y construire de port. Quant aux surfaces agricoles, avec tout le sable qui les recouvrait périodiquement, elles n’étaient pas fertiles pour un sou si bien que les habitants vivotaient. Pas très drôle, la vie sur ce littoral, jusqu’à ce que les villages des alentours fusionnent (c’est pourquoi on trouve Sankt Peter-Böhl, Sankt Peter-Bad et Sankt Peter-Dorf) et qu’ils se lancent dans le tourisme à la fin du XIXe siècle.
Là, ce fut le grand succès : une source d’eau sulfureuse, un air marin de première fraîcheur et une beauté sauvage comparable à celle des îles qui attiraient la haute volée avec leurs villes balnéaires mondaines.


Entre les dunes, au fond, on aperçoit une partie du pont de SPO qui fait un kilomètre de long.

De nos jours, SPO – c’est ainsi qu’on appelle Sankt Peter-Ording dans le nord – fait partie des trois grands spots touristiques du Schleswig-Holstein. Rien que la location des 1.400 fauteuils en osier si chers aux Allemands représente 480.000 € de recettes par an. En fait, SPO vit presque exclusivement de son sable et du tourisme. C’est pourquoi cette petite commune de 4.000 habitants s’est empressée d’élaborer un système de monitoring pour ses plages lorsque le coronavirus a fait son apparition sur la planète au printemps et que pendant le premier déconfinement — olala, ça a fait mal, ça ! – on a d’abord interdit aux habitants de la région d’y aller alors que les « étrangers » avaient le droit d’y séjourner.

En 2019, Sankt Peter et ses plages ont accueilli plus de 400.000 personnes et plus de 580.000 y ont passé la journée. Alors, que faire en 2020 des appartements de location, des hôtels, des restaurants, des spas et des bibelots sans tous ces touristes originaires de Rhénanie, de Basse-Saxe et de Hambourg ? La cata ! Et que dire aux gens du coin qui aiment venir comme ça, spontanément, pour la journée ? Un problème de fond qui s’est posé dans le monde entier, surtout là où on vit du tourisme.



Vous imaginez bien que le retour à la normalité s’est fait le plus rapidement possible – à coup de masque, de distance et de surveillance automatisée – et heureusement pour Sankt Peter-Ording, l’immensité de sa plage lui a servi de bouée de sauvetage jusqu’au prochain Lockdown, celui du mois de novembre.

Sunset sans pois(s)on

Pour les autochtones, cette fin de saison minimaliste est presque une chance.

Quand les touristes ne sont plus là, les cerfs-volants dansent…

D’accord, il n’y a pas de baignade ni de bikini.
Pas de chaleur d’été qui fait vibrer l’air et frissonner les vagues.
Pas de sunset, de cocktail et d’appetizer sur la terrasse d’une des célèbres Giftbuden** non plus car qui dit confinement, dit fermeture des restaurants et ça vaut aussi pour les bars construits sur pilotis.

Par contre, pas de comptage électronique à l’entrée des plages,
pas besoin de se fondre à une masse avide de normalité,
de se taper des embouteillages monstres sur la route,
de chercher un parking pendant des heures et
de faire du slalom entre les gens et les boutiques dans des rues pleines de monde.

Et pour parler positif :
un soleil automnal tout doux quand il plonge derrière la mer,
une fraîcheur qui fait rougir les joues et la pointe du nez,
des amoureux en bonnets à pompons qui s’embrassent devant la mer,
des cerfs-volants qui font vibrer leurs fils en virevoltant,
un petit réchaud de camping dont les flammes dansent dans le vent
et une tasse de thé, de café ou de porridge entre les doigts.



Surtout :
de la place, du vide, de l’espace,
la liberté de respirer jusqu’au bout, sans masques ni contraintes.

C’est ça aussi, l’endroit où les dunes commencent.
C’est ça, le recul et l’horizon de Sankt Peter-Ording au mois de novembre.



Petites infos pratiques

Se restaurer – Les Giftbuden** sont des cabanes sur pilotis utilisées à des fins touristiques. La première fut construite sur la plage en 1911. Depuis, ces constructions se sont multipliées et sont un véritable symbole pour la ville. Quant au nom, il faut se méfier car dans la langue courante, « Gift » signifie poison. Evidemment, ces bars ne proposaient pas de poison mais des remontants genre cognac aux personnes refroidies par le vent frais de la mer du Nord. Aussi, on leur donna le nom de Giftbude qui veut dire en bas-allemand : « cabane où on peut avoir quelque chose ». Alors que certaines maisons sur pilotis sont encore vouées à la restauration, d’autres, plus profanes, permettent d’aller aux toilettes ou de se changer. Pour plus de détails, lisez l’article sur les cabanes pieds-pas-dans-l’eau.

Vous avez déjà vu des toilettes aussi stylées sur une plage ?

La bonne plage – Sur les douze kilomètres, il y a cinq différentes sortes de plages. L’une d’elles est réservée aux nudistes, une autre au surf, au kite surf et même aux chars à voile puisque Sankt Peter-Ording est prédestiné pour ce genre de sports. A vous de faire votre choix.

Se garer – Les parkings sur la plage ne sont ouverts que de mi-mars à fin octobre et sont payants. Limitation de vitesse sur la plage : 30 km/h

Spa, rando et compagnie – Une balade sympa commence à la piscine-spa des Dünen-Thermen. Elle permet de découvrir une forêt limitrophe aux roselières et aux dunes boisées. Là aussi, le parking est payant mais à SPO, c’est normal…

A faire dans le coin

Si vous venez du sud, passez par le barrage de l’Eider avant d’aller à SPO (ou en repartant). Sinon, vous pouvez aussi :