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Schwedeneck et la sérénade du soleil

Quand on aime, on ne compte pas… Ni les fois ni les pas ni les minutes d’ailleurs.

A la fin du mois d’avril, je suis retournée me promener à la plage de Schwedeneck. Il faisait beau et j’avais envie de voir le soleil se coucher derrière l’horizon marin, d’assister aux jeux de la lumière sur la falaise car c’est à ce moment qu’elle est éclairée. Comme d’habitude, je n’ai pas été déçue car entre Schwedeneck et Surendorf, la côte s’est inspirée de Claude Monet. On peut y retourner des milliers de fois, le paysage n’est jamais le même. D’innombrables séries de tableaux aux couleurs fugitives se créent au gré de l’air et de la lumière et l’heure la plus impressionniste est certainement celle du soir, lorsque le soleil, la mer et un petit cormoran jouent leur sérénade.

C’est pourquoi je vous y emmène à nouveau.


En haut, deux amoureux installés dans un hamac, juste au bord de la falaise, savourent la sérénade du soleil.

Pinceau du jour, savoure !

Pendant la journée, cette belle côte sauvage située entre Kiel et Eckernförde est colorée d’ombres froides. Comme je l’ai déjà raconté, les falaises de Stohl et celles de Schwedeneck sont axées plein Nord et par conséquent, elles ne profitent du soleil que le matin et le soir. Leurs grands murs en argile assombrissent même une partie de la plage ce qui ne leur ôte pas leur charme pour autant.


Schwedeneck en hiver (en direction de Stohl)

A partir du printemps, elles sont coiffées d’une forêt verte aux arbres vrillés par le vent ce qui les rend encore plus hautes et quand le soleil brille, la côte sort tous ses tubes de bleus les plus scintillants. Alors, dans une multitude de touches généreuses, elle les étale à l’horizontale pour créer une Baltique fraîche, ouverte et vivifiante. Sur la gauche, les traits sautillent jusqu’à la baie de Eckernförde et la péninsule de Schwansen s’étire au fond en formant une grosse ligne grise au ras de l’eau. Tout au bout, un bateau de la marine, gris lui aussi. Sur le tableau, une bande aux tons clairs longe le rivage, rappelant que la plage est faite de sable et de gros cailloux blanchis par le soleil et par le tango des vagues. Quelques touches d’ocre pour les grosses coulées d’argile et les arbres couchés en vrac au pied des falaises. C’est tout.

A savourer par tous les temps…


Schwedeneck au début du printemps (en direction de Eckernförde)

Pinceau du soir, espoir !

Mais là, il est 18 heures et je marche, tu marches, nous marchons en direction de la plage de Schwedeneck. D’accord, moi aussi, je trouve ça bizarre de voir un horodateur dans un tout petit village au bout du monde et c’est bien bête aussi qu’il aime les sous jusqu’à 24 heures. Mais au moins, on peut se garer à quelques pas de la côte et il faut bien cotiser pour boucher les nids de poule.

Après trois minutes de ligne droite dans une belle forêt qui forme un tunnel, nous voilà devant l’escalier qui descend vers la mer. Cette fois-ci, allons sur la gauche vers Eckernförde.



Le soleil éclaire nos pas, il éblouit même un peu les yeux mais il fait tout briller : le sable mouillé par les vagues, les cailloux dans l’eau et les coquillages empêtrés dans les algues, l’eau qui tombe en petites cascades ou qui ruisselle de la falaise avant de rejoindre la mer en faisant le serpent.



La falaise aussi scintille de part et d’autre. Il a plu aujourd’hui et après toutes ces semaines de sécheresse, une coulée de boue s’est avachie sur la plage, des gros blocs d’argile ont culbuté quelques arbres en dégringolant.



Certains arbres sont ancestraux. Trois hêtres se sont couchés pendant la journée et barrent le passage. Leurs bourgeons déboussolés se demandent si ça vaut encore le coup de se décortiquer pendant que leurs racines sucent l’eau qui les entoure. Survival Training ! D’autres, des petits mélèzes qui viennent de glisser de plusieurs mètres comme sur un toboggan, essaient de remonter la pente avec leurs aiguilles vertes. C’est peine perdue. Ils n’ont plus qu’à essayer de pousser en bas et en biais.

Quelle belle falaise dans le soleil couchant !



Quelques nouvelles fenêtres géologiques se sont ouvertes depuis la dernière fois. En fait, ici, on peut lire la pierre et la falaise pendant des heures… si on veut.



Une sérénade pour Monet

A coup sûr, Monet aurait embrassé ces couleurs du regard et il se serait pris d’une belle envie de revenir avec ses pinceaux, d’éterniser cet instant et cet endroit fluide et vibrant de quiétude, ce bleu-rose huileux, ce jaune fumé par une bande grise, ces parallèles indécises et soudaines. Où s’arrête la mer ? Où commence le ciel ? Nuage, brume ou horizon ? Et qu’aurait-il fait du petit bateau de pêche et de sa pétarade enrhumée ? Du cormoran qui sèche ses ailes sur un gros caillou en lâchant un petit cri vers la mer ? Des vagues en demi-lune qui bruient doucement sur les cailloux ? Du soleil qui s’étire et qui bâille de langueur ?



Il aurait su assurément les traduire avec ses pinceaux et aurait fait fondre toute cette douce sérénade dans un admirable fouillis de traits et de peinture. Une ébauche de virgule, un demi soupir entre deux notes, une infime pause entre expiration et inspiration, le ralentissement élastique qui sépare une belle journée qui se couche d’une belle nuit qui se lève.



Nous, on se contente d’un ou deux soupirs de plaisir et de quelques photos. Dans l’espoir de se souvenir et de retenir cet instant savoureux, cette petite sérénade du Nord…



Informations pratiques

La promenade que je conseille commence à Dänisch-Nienhof. Le parking dont j’ai parlé se trouve tout au bout d’une rue qui se termine en cul de sac (dans la Strandstraße). Il est possible aussi de commencer par Surendorf et d’aller dans l’autre sens car le sentier fait partie des grands chemins de randonnée mais vous aurez le soleil dans le dos.

A Dänisch-Nienhof, vous trouverez le Strandhaus, un restaurant qui se trouve sur la plage juste à côté de l’escalier.



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