Mercredi 7 août. Il est cinq heures du matin lorsqu’il se lève. Sur le pont du bateau à vapeur, tout est calme comme l’eau qui glisse le long de la coque. Il a rendez-vous avec Aristide et Émile. Il faut bien car dans une heure au plus tard, ils seront arrivés. En un mois à peine, ses amis et lui en ont fait des choses. Ils voulaient surtout voir la Suède et la Norvège, enfin le sud de la Scandinavie.
A cette heure matinale, devant lui, la baie et au fond, la ville de Kiel. Beau panorama ! L’église, la Nikolaikirche. Une forêt de hêtres bien dense. La promenade. Des villas avec leurs bains près de l’eau fraîche. La petite ville, un peu comme un nid dans les branchages. Il faut bien rentrer. Honorine l’attend à Paris. Et son petit. Ou sa petite. Il ne sait pas.
Dans une heure, le Hermod accostera dans le port. Il a lu dans son guide touristique que la gare était à deux pas du quai. Une heure d’attente dans la salle. A sept heures, ils seront repartis. Le train à vapeur passera dans la vallée de l’Eider dont on lui a parlé, ensuite dans un paysage de tourbes et de marécages. Il repense aux plaines et aux collines scandinaves qu’il vient de quitter et même si cette partie du voyage devient monotone, rien de bien dérangeant. Ce ne sont que trois heures de train.
A dix heures déjà, il sera à la frontière de Hambourg, à Altona. Dire qu’avant, on avait besoin de bien plus de temps. Il réfléchit à la lenteur du temps passé et compare. Nous sommes en 1861. Grâce à la révolution des machines, dans peu de temps, qui sait, l’homme volera certainement dans les airs et marchera peut-être même sur la Lune. Dommage tout de même qu’à ce rythme, il n’ait probablement pas le temps de faire un tour dans cette jolie petite ville. Marcher dans ces forêts de hêtre. Une autre fois peut-être. A retenir pour un prochain voyage ou un prochain livre.
Qui est ce jeune homme ? Ni plus ni moins que Jules Verne. Encore inconnu de son public à l’époque, il revient de son voyage en Scandinavie et fait sa première halte à Kiel. Il y retournera le 17 juin 1881 avec son frère Paul et son neveu Gaston.
Cette seconde fois, il est à bord du Saint-Michel III. Sa route le fait passer par le canal de l’Eider qui rejoint la Baltique à Holtenau. Il arrive à 17 heures sur les quais de Gaarden et trouve la baie de Kiel ensoleillée et toujours aussi idyllique. Pour lui, il s’agit d’une des plus belles d’Europe et il est en admiration devant le port étendu qui selon lui pourrait accueillir les flottes du monde entier. Le lendemain, visite de la ville de Kiel et de ses parcs, toujours en admiration devant les côtes boisées.
Son passage est d’ailleurs commenté de vive voix par la presse régionale qui donne des informations sur l’équipage (21 personnes au total), expliquant qu’il a été difficile de prendre le canal de l’Eider en raison des dimensions du bateau. On se félicite du temps et on espère vivement que Kiel sera immortalisé dans un prochain roman.
Curieusement, Verne ne fait pas mention des falaises de Schilksee dans son carnet de voyage. Étaient-elles cachées par la végétation en 1861 ? Dans le doute, je pars du principe que Jules Verne aperçut les belles villas de Schilksee avec leurs cabanes de bains dans un paysage de forêts de hêtres. S’il ne remarqua pas les falaises, il vit certainement les plages de sable blanc qui bordent la côte.
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Voici les falaises en plein hiver !
Les bons plans rando
❤ Partez à la découverte des falaises de Schilksee et de ses plages au bord du fjord de Kiel. Imaginez au loin le voilier de Monsieur Verne dans les couleurs du petit matin.
❤ Prenez la voie rapide, passez juste au-dessus des écluses du canal de Kiel et profitez de la vue plongeante (on peut aussi garer sa voiture sur un parking avant le pont et continuer à pieds). Il y avait à l’époque bien moins de constructions sur la rive est et la plage de Falckenstein n’avait pas encore son envergure actuelle, mais il aura certainement goûté à des couleurs similaires : un bleu intense et le verts vif des arbres au printemps.
❤ Faites un tour au grand port de plaisance de Schilksee, surtout pendant la Kieler Woche.
Bon à savoir
Quand vous essayerez de déchiffrer les panneaux, ne vous étonnez pas de lire « Olympiahafen ». Oui, c’est vrai, ce petit quartier nord de Kiel possède depuis 1966 un port olympique. C’est d’ailleurs à Schilksee qu’eurent lieu les compétitions de voile pendant les Jeux Olympiques de Munich en 1972.