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Le lac de Selent, un géant cristallin

Le lac de Selent s’étend à quelques kilomètres de la mer Baltique dans un paysage de collines et de lacs. Dans cette région ravissante qu’est la Suisse du Holstein, il fait partie des très grands lacs mais malgré tout, il est beaucoup moins touristique et surtout moins connu que le Grand lac de Plön. Pourquoi? Je ne sais pas vraiment. Peut-être parce qu’il est privé. Peut-être parce qu’il est un peu excentré.

En tout cas, depuis sa création qui remonte à la dernière période de glaciation, il repose là, tranquille, entre ses aulnaies et ses roselières, scintillant et cristallin par beaux jours, grisâtre et mousseux quand la tempête s’en mêle. Autour, il n’y a pas de grandes villes, juste quelques villages dont celui de Bellin, connu pour ses chaumières et sa tradition de pêche. A proximité, vous trouverez aussi plusieurs châteaux, Salzau par exemple que j’ai connu resplendissant de culture il y a une quinzaine d’années mais qui est « en mode veille » actuellement.

Dans cet article, vous trouverez une sélection personnelle d’endroits particulièrement craquants autour du lac de Selent.


Le Grand lac de Plön (29 km²) et celui de Selent (21 km²) sont de loin les plus grands lacs du Schleswig-Holstein.

Comme ils sont situés tous les deux dans la même région, le paysage ne présente pas de différences flagrantes. Néanmoins, chaque lac a ses caractéristiques propres. Alors que le Grand lac de Plön éveille la curiosité avec son archipel d’îles et de presqu’îles, qu’il attire les touristes avec son château baroque et ses petites agglomérations d’origine slave, qu’il propose même des croisières en bateau, le lac de Selent se présente en toute simplicité et sans infrastructures. Ouvert comme une grande baignoire, exposé aux vents, il est un peu comme un préambule à la mer.



Quelques voiliers y font gonfler leurs voiles, les cormorans en sont tombés amoureux car ils ont remarqué que ce lac était riche en poissons, les oiseaux en tous genres s’y retrouvent pour faire leurs petits, mais sinon, il n’y a pas vraiment d’activité visible sur l’eau bien que plusieurs plages permettent de s’y baigner. Interdiction de faire du kitesurf, de faire de la plongée, de faire du bateau à moteur, de pêcher — interdiction de troubler le repos de la nature en fait.



Cette grande surface, vous l’apercevrez de la départementale B202 qui longe le lac sur quelques kilomètres. Sinon, elle se découvre à pied ou en vélo, mais plutôt ponctuellement car ses rives sont bordées de roseaux et de bois. La partie nord-est n’est d’ailleurs accessible qu’en partie car il s’agit d’une zone protégée.

En tout, cinq plages sont réparties autour du lac de Selent. Celle qu’on appelle Moltörp est sans doute la plus charmante.



Pour les romantiques, c’est la vue qui prime — un panorama zen qui donne sur la partie occidentale du lac. Aux premières loges, un grand hêtre, majestueux, ancestral, solitaire, semble admirer son lac en plein milieu d’une étendue d’herbe, les branches tendues vers la rive.

A droite de la plage, un petit chemin cachottier disparaît entre les arbres qui plongent leurs racines dans l’eau. A gauche, quelques bancs invitent à faire une pause — le temps d’apprécier le paysage. Devant nous, il y a l’eau, évidemment. Au-dessus de nos têtes, quelques oiseaux traversent le ciel — un aigle peut-être. Vers Fargau, un bateau vogue entre les éclats de soleil et tout près, un joli pont en bois s’avance doucement vers l’eau, à quelques mètres des roseaux.



Ceux qui veulent se rendre compte de la limpidité de l’eau, n’ont qu’à rejoindre ce pont qui est accessible à tous et à marcher jusqu’à sa petite terrasse. En fait, le lac fait partie des rares lacs mésotrophes de la région, ce qui explique son impressionnante clarté et sa végétation sous-marine. Il y a quelques années, après une série d’études, il a même été considéré comme le lac en meilleur état écologique de la région.



Pour les gourmands, c’est l’occasion de s’installer autour de ce qu’on appelle le « Badehaus » et de profiter du lieu en dégustant un petit plat. Le bâtiment en bois et en verre abrite une guinguette pendant la belle saison. Les « Pinkens » y proposent une liste appétissante de mets salés et sucrés servis dans une atmosphère conviviale et colorée. Je recommande. Très bon, très sympa.



Enfin, pour les petits, il y a le sable de la plage et une belle aire de jeux avec des balançoires sur ressort en forme de poissons. Sur une butte de sable, un énorme triton en bois coloré soutient un toboggan.

Son accès — En venant de Kiel, vous verrez un petit panneau à l’entrée du village de Selent (un panneau bizarrement placé sur la gauche et peu visible). Il indique sobrement : « Strand », donc plage. Après un bon kilomètre sur une route cabossée et dans une campagne verdoyante, vous arriverez au parking. Depuis peu, il y a même une station pour les vélos électriques.

Au nord-ouest du lac de Selent, un domaine s’étend autour d’un petit cours d’eau qui prend sa source dans le lac et qui va se jeter dans la mer Baltique une dizaine de kilomètres plus loin. Il s’agit de la Salzau qui a donné son nom au château de Salzau.


La Salzau méandre dans les champs.
Petit barrage historique sur la route du château

Ce château, un manoir surdimensionné en fait, est entouré d’un beau parc à l’anglaise et de nombreuses dépendances.


Ce pont historique vient d’être restauré.

Dans un passé récent, il a reçu d’illustres visiteurs, Leonard Bernstein par exemple qui y a créé une académie orchestrale internationale à la fin des années 1980. Même Sting y est venu en 2005 pendant la quinzième « Jazz Baltica », le temps de trois chansons. A l’époque, Salzau servait de centre culturel au Schleswig-Holstein. On y organisait des concerts internationaux, des expositions et tout un tas de rencontres littéraires.



L’histoire de ce château remonte au Moyen-Age. Cependant, il doit son apparence actuelle à Otto von Blome, un comte dont la famille avait acquis le domaine au XVIIIe siècle. Depuis des générations, ce « Gut » était prospère, les terres agricoles se regroupaient autour du château, dans une région qu’on appelle la Probstei, et des centaines de serfs participaient à la fortune de la famille. Il existe encore un livre de cuisine de 1800 qui montre que les Blome vivaient en bons aristocrates. Parmi les 99 recettes écrites à la main, une partie est inspirée de la cuisine française. A côté des soupes de tortue et du veau au chou, on trouve des bouillons, des potages et des fricassées.

C’est donc Otto von Blome (1795-1884) qui fit reconstruire le château de Salzau en 1881 après un incendie. A cause de ses dimensions phénoménales, il fallut des années pour finir les travaux. D’ailleurs, on le comparait déjà à l’époque aux grands palais de l’ère victorienne. Quelle envergure ! Rien que le château fait en tout 73 mètres de largeur. Le nombre de chambres réparties entre les caves et les combles est considérable aussi. Il paraît qu’il y en a une centaine.

Salzau resta dans la famille Blome jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle mais sans être leur habitation principale pour autant. Après la Seconde guerre mondiale, le château servit de maison d’accueil à des centaines de réfugiés allemands qui venaient de Poméranie, de la Prusse orientale et de Schlésie.



Par la suite, le château changea plusieurs fois de propriétaires. L’un d’eux, le gouvernement du Schleswig-Holstein, le racheta en 1985 pour en faire un centre culturel. Cependant, lui non plus ne fut pas en mesure de subvenir aux coûts annuels. Après des années d’activités culturelles, d’événements musicaux, de rencontres internationales, le château s’endormit comme une princesse de conte en 2011. Quelque temps, faute d’acquéreurs, il servit à nouveau de refuge et finalement, en 2017, le gouvernement finit par revendre cet énorme bâtiment à une entreprise privée qui souhaite en faire un complexe touristique mais actuellement, il ne se passe toujours pas grand chose.



Les indications qu’on trouve sur place se contredisent. Ce qui est clair, c’est qu’il s’agit d’une propriété privée. Ce qui l’est moins, c’est que selon les panneaux, le passage des cyclistes et des piétons est interdit ou toléré. Quant aux cartes de pistes cyclables et de sentiers de randonnées, elles font encore passer le public par le château. Aussi, en ce moment, quand quelqu’un ose emprunter les chemins qui traversent le parc, il le fait le plus discrètement possible et plutôt rapidement sans trop savoir s’il a le droit de le faire ou pas. En attendant des nouvelles plus concrètes ou plus claires.

En quittant le château par le nord, vous passerez par le lieu-dit de Salzau. Un circuit étendu fait découvrir le paysage idyllique des environs et le calme de la Probstei orientale. Ici, les moutons tondent les jardins nuit et jour, les poules caquettent entre les bosquets et les champs bosselés courent au loin. Au printemps, le colza fleurit, créant des images de cartes postales.

Voici quelques impressions de ce qui vous attend jusqu’au lac :



Si vous décidez de rejoindre le lac, il faudra traverser le village de Fargau.

Après les dernières maisons, quittez la route et entrez dans les bois qui bordent l’eau. On appelle cette péninsule boisée Kaninchenberg, c’est-à-dire « la Montagne aux lapins ». Pas étonnant car dans le temps, on y élevait des lapins qui finissaient dans les assiettes du château. A l’époque, ils proliféraient sur une butte entourée d’eau, une ancienne motte féodale dont il ne reste pas grande trace.



Ici, le sol est assez spongieux. La végétation vit sa vie sans encombres. Certains chemins comme celui qui mène jusqu’au Val d’Adeline (Adelinental) sont interdits d’accès afin de laisser les animaux tranquilles. Pour rejoindre cette seconde péninsule, il faudra donc marcher sur la route pendant quelque temps. Néanmoins, en général, vous pourrez longer le lac. Les berges sont exquises et prêtent à la rêverie. Les arbres tendent leurs branches vers l’eau claire et chatouillent les roseaux où gloussent des poules d’eau en mal d’amour. Les racines des aulnes se frayent un chemin entre les pierres moussues et les grains de sable. Un lac de transparences.



C’est le moment de s’installer au bord du lac, de se reposer sur un tronc d’arbre couché et d’admirer le paysage, de se rendre compte de l’étendue du lac de Selent. En face, la plage que j’ai décrite plus haut se dessine entre les cimes.


Otto von Blome n’est pas simplement à l’origine d’un grand palais au nord du lac. En 1842, il avait déjà fait bâtir un petit pavillon de chasse qu’on appelle le Blomenburg (le château de Blome) à Selent. Dans ce cas, il s’agit d’un bâtiment typique de l’historicisme.



D’après mes informations, ce joli château tout blanc aux allures de Moyen-Age a été créé entre 1842 et 1857 dans un style qui rappelle les châteaux britanniques de l’ère Tudor. Il semblerait que le château de Babelsberg ait servi de modèle à l’architecte. En tout cas, on raconte que Otto von Blome le fit construire en réponse à la création d’une tour qui existe dans la région, la tour Hessenstein. Ce châtelet serait donc un challenge, le produit d’une rivalité amicale entre Otto von Blome et Frédéric von Hessen, deux aristocrates de l’époque qui étaient pour ainsi dire voisins.

Le Blomenburg changea de propriétaires en 1927 et servit très longtemps de foyer pour des enfants et des adolescentes en difficulté. Aujourd’hui, on y trouve une clinique privée qui s’est spécialisée dans les maladies psychosomatiques.

Le château étant privé, ne peut pas être visité. Par contre, une partie du parc qui l’entoure est ouverte au public. Vous pourrez donc vous y promener dans un décor typique des jardins à l’anglaise. Rien de spectaculaire mais entre les branches, on aperçoit la tour resplendissante et les créneaux néogothiques du Blomenburg.

En somme, ce beau lac mérite qu’on y passe quelques heures, surtout si l’on veut découvrir le calme véritable de la Suisse du Holstein tout en restant près de la côte.

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