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Aschau et la baie des petits cochons

Ce qui est sympa avec le carrousel des saisons, c’est qu’un seul et même endroit change d’atmosphère à chaque promenade. Curieusement, ce phénomène est valable aussi pour la mer et son littoral. C’est pourquoi j’ai décidé de vous présenter une partie de la côte Baltique à différents moments de l’année.

Nous allons admirer une belle lagune que certains appellent « la baie des cochons » et marcher au bord d’une falaise en direction de Eckernförde — un délice pour les yeux rien qu’à cause du panorama maritime qui s’élève jusqu’à 30 mètres au-dessus de la mer.

C’est parti pour un tour à Aschau et dans le bois de Schnellmark.



D’abord, c’est où, Aschau ?

Nous sommes dans la baie de Eckernförde. Kiel, la capitale du Schleswig-Holstein, est à 25 kilomètres au sud-est et entre ces deux agglomérations, il y a une grande péninsule appelée le Dänischer Wohld.

Qui emprunte le chemin de randonnée appelé E1, passe automatiquement par ici car entre Kiel et Eckernförde, ce sentier international longe la côte sur 50 kilomètres. Au passage, on trouve la falaise de Stohl et celle de Schwedeneck, on descend vers la plage de Surendorf et on remonte sur les hauteurs historiques de Jellenbek. Aschau fait partie du programme — un peu avant Eck.

Qui préfère prendre la voiture, trouvera une route de campagne qui mène vers Eckernförde — la « Bäderstraße », une route bien sympa, surtout entre mai et juin lorsque les colzas sont en fleurs et que la mer scintille en contrebas des champs. Un paysage qu’on retrouve dans les calendriers allemands. Bleu, vert, jaune fluo. Le petit panneau vert indiquant « Aschau » arrive sans prévenir, on ne le lit qu’au dernier moment. Si on le lit d’ailleurs car il est vraiment petit.

Aschau commence par une maison au coin de la rue et par un petit parking réservé aux visiteurs. Garons-nous là car en bas, il n’y a pas de place pour les voitures. A pied, suivons alors la petite route qui se promène à travers champs sur un kilomètre et nous arriverons dans le hameau. Ici, les maisons surplombent la baie et les prés salés.

En face des premières habitations, trois chèvres font de l’équilibre sur leur tas de pierres et une bonne rasade de purin envahit peut-être l’air ambiant. Pas étonnant car la région du Dänischer Wohld qui abritait une immense forêt autrefois est très agricole aujourd’hui.

Aschau et ses histoires de cochons

Aschau est vraiment minuscule et calme de chez calme mais ce tout petit bled a quand même fait scandale il y a une dizaine d’années. Sur sa plage un peu retirée, il paraît qu’à l’époque, on s’adonnait aux plaisirs de la chair d’où le sobriquet un peu frivole de « Schweinebucht » ce qui veut dire la ‘baie des cochons’.



En descendant vers la côte, on ne voit pas tout de suite la lagune mais plutôt les prés salés du littoral et les arbres qui protègent les premiers soubresauts de la falaise sur les côtés.

« Où sont les cochons ? », me demanderez-vous.

Pas là !

Près de la plage (en zone protégée) — de l’autre côté de la lagune —, je ne les ai pas trouvés non plus, les cochons. Même pas de ‘baleines-cochons’ (Schweinswale en allemand). C’est ainsi qu’on appelle les marsouins.



Non, pour être franche, je n’ai vu aucun cochon à Aschau et je n’ai pas été témoin d’une seule partie de jambes en l’air entre les herbes non plus.

Pas un seul cul nu à l’horizon sauf celui des buffles qui se pavanent au milieu des oies sauvages sans grands émois ni luxure.


L’hiver, c’est pareil. Je n’ai vu que celui-là de cul — joliment blanc du reste. Donc, pas de quoi remplir la première page du journal local…

C’est pourquoi le grand panneau du maire paraît très prude ; il interdit le nudisme sur la plage alors que d’ordinaire, le Schleswig-Holstein est une région où le FKK — la ‘culture du corps libre’ — est assez répandu et surtout toléré.

Apparemment, planter ce panneau d’interdiction et faire patrouiller les forces de l’ordre étaient les seuls moyens d’endiguer les scènes sauvagement pornographiques qui, d’après les médias, incommodaient les riverains et qui nuisaient à la bonne réputation du lieu.

Aujourd’hui, c’est plutôt « Schnee von gestern », donc de l’histoire ancienne. Plus rien à voir à Aschau à part une nature idyllique et reposante ainsi que quelques touristes qui coulent des jours (espérons-le) heureux dans le camping d’à côté, à Lindhöft.

Les hauts et les bas de Aschau

Donc, à quoi vous attendre à Aschau ?

En fait, la côte du Schleswig-Holstein est composée d’une succession de falaises d’argile et de sable qui s’élèvent jusqu’à 30, voire même à 40 mètres au-dessus du niveau zéro. A leurs pieds, des amas de pierres témoignent du passage des anciens glaciers scandinaves.

Les falaises du Dänischer Wohld sont orientées vers le nord ou le nord-est et des bois recouvrent souvent leurs promontoires. Beaucoup d’ombre et de tons ocre au bord de l’eau — c’est ce que vous pourrez constater dans mon article sur la falaise de Schwedeneck. Ce n’est que tôt le matin et tard le soir que vous aurez du soleil sur la plage. Ou sur l’heure de midi en plein été.


Le bois de Altenhof qui se trouve à l’ouest de Aschau offre un beau panorama sur la baie de Eckernförde. Le contraste entre la falaise ombragée et la mer scintillante de soleil fait le charme du lieu.

Les précipitations qui s’infiltrent dans le sol et le vent détachent régulièrement des blocs entiers de falaise, lesquels se désagrègent et s’effondrent peu à peu sur la grève. Les particules s’envolent et retombent un peu plus loin, à l’est en général, créant des bancs de sable qu’on appelle « Nehrungen » en allemand. Ainsi, les éléments participent à la construction des cordons littoraux typiques de la mer Baltique. C’est pour cette raison aussi qu’entre deux falaises, on trouve des plages avec du sable clair et fin comme à Surendorf, Noer et Falckenstein. Et des lagunes comme à Aschau.


Des hauteurs, la lagune se fait minimaliste : une avancée qui finit par un tout petit filet de sable et une seule maison au ras de l’eau.

La lagune

A Aschau, le lagon est presque fermé et une partie de son cordon a été déclarée zone protégée. Pas de pêche, pas de baignade, pas d’accès à cet endroit. On laisse les hirondelles et leurs congénères tranquilles.

Une seule maison structure cette partie du littoral, celle d’une station militaire — une maison en briques rouges et au toit de chaume qui pourrait avoir un cachet romantique si elle n’était pas entourée de containers blancs et si un drapeau ne flottait pas juste à côté avec son aigle. Il s’agit en fait d’une partie de la WTD 71, une base du Centre de technologie de défense pour les navires et les armes navales, de technologie et de recherche maritimes (ce n’est pas moi qui ai traduit le mot, j’ai demandé à Deepl — je vous épargne le mot allemand à rallonge).




Juste à côté, un tout petit camping réservé aux personnes handicapées et à leurs proches se tasse juste au bord de la lagune. La lagune (privée), quant à elle, est utilisée comme port miniature. Dans un léger sommeil, quelques bateaux y mouillent — un cadre romantique avec des couleurs de miel, surtout en fin d’après-midi ou en début de soirée !


Au bord du rivage et autour du lagon, on trouve tout un capharnaüm d’oiseaux — des mouettes qui jouent dans les vagues et des cormorans qui se sèchent sur les pierres, mais aussi des pluviers, des vanneaux huppés, des canards en tous genres et des huîtriers pies qui sondent la plage à la recherche de vers et de coquillages. Enfin, il y a les cygnes, habitants traditionnels du littoral de la mer Baltique. En fait, tout un monde avicole heureux de vivre autour de cette petite lagune qui semble avoir été aménagée par l’homme — du moins en partie.

En été, les gazouillis et les cancans remplissent les oreilles :



En hiver, les oiseaux reposent leurs cordes vocales et préfèrent sommeiller au soleil ou grignoter au milieu des algues desséchées :



Les prés salés

En contrebas du hameau, de grandes étendues plates et humides, des prés salés, permettent aux oies cendrées de jacasser entre les herbes. C’est là que paissent les buffles et les vaches à la belle saison.



Les dunes sauvages

A l’est, en direction du lieu-dit de Lindhöft et de son camping, des dunes herbeuses enrichissent le paysage d’un élément plus sec et plus cristallin avant qu’une nouvelle falaise se reforme vers Noer. C’est ici qu’on peut se baigner mais comme vous l’avez compris, cette plage se mérite car il faut marcher avant d’y accéder ou y venir en vélo.



La falaise

A l’ouest par contre, le sol ne reste pas bas longtemps. Une falaise, celle de Altenhof, s’élève en longeant une forêt sur une distance de 3,6 km avant de redescendre vers Eckernförde et sa grande plage. La plupart du temps, vous êtes à 30 mètres au-dessus de la mer et au bord du bois de Schnellmark. Plus loin, un peu avant Kiekut, on passe dans une forêt cinéraire.

Comme souvent sur la côte, les arbres poussent jusqu’à la limite du possible et ceux qui ont élu domicile au bord de la falaise, finissent immanquablement par tomber ou par glisser sur la plage. Ici, pas de service de nettoyage. Un environnement très nature puisque ces troncs et ces branches sont laissés à l’abandon — tordus et desséchés par le vent et les vagues, en vrac sur le sable.

Ici, pas de cochons non plus — surtout pas en hiver. Et je pense que les deux amoureux que j’ai croisés et qui avaient leurs sacs de couchage et leurs peaux de mouton avec eux, envisageaient plutôt de passer une petite nuit romantique et intimiste au bord de l’eau. Par -3 degrés, il faut oser.

A dix-huit heures, il est déjà tard fin février. Il fait froid et le soleil se couche mais quelques pêcheurs attendent les tout derniers rayons avant de sortir de l’eau, de récupérer leur attirail entre les pierres et de rentrer chez eux. Avec ou sans poissons.



Pour moi, juste l’heure de faire demi-tour. Dans l’idée que je reviendrai d’ici quelques semaines ou quelques mois pour profiter d’une forêt touffue, d’un lever ou d’un coucher de soleil plein de chaleur et d’une mer moins froide.

Qu’il y ait des cochons ou qu’il n’y en ait pas, c’est promis, je vous le dirai. 😉



Liens et informations

Parcours de randonnée (source : komoot)

Informations sur la lagune de Aschau, sa faune et sa flore (source : gouvernement, en allemand)