Pour dire au revoir, les Allemands font souvent plus court que les Français. Dans les mails, on ne trouve pas de longues phrases comme « Je vous prie d’agréer l’expression de mes sincères salutations » mais plutôt un simple « Mit freundlichen Grüßen » — littéralement « Avec des salutations amicales ». Depuis quelques années, certains écourtent même cette formule passe-partout si bien qu’on lit de plus en plus souvent juste un MfG accompagné d’un nom en fin de message.
En fait, cet usage est à éviter puisque l’abréviation réduit l’adieu à un minimum presque insignifiant et plutôt malpoli, néanmoins, à côté des LG plus amicaux et plus personnels (« Liebe Grüße ») et des déclarations aussi juvéniles qu’hyperboliques telles que « HDGDL » (Hab’ dich ganz doll lieb »), MfG est devenu assez courant.
Un nouveau quartier pour Kiel
A Kiel, il y a un autre MFG qui dit au revoir. C’est le MFG-5. Ce sigle mystérieux est utilisé pour parler d’une escadre d’hélicoptères de la marine allemande qui était stationnée à Kiel-Holtenau depuis 1958 et qui est partie il y a une dizaine d’années. La version longue s’intitule « Marinefliegergeschwader 5 ».
La surface qui a été libérée à l’époque et dont il est question ici se trouve sur la rive ouest du fjord de Kiel, au nord du célèbre canal. A l’origine, cette zone militaire de 70 hectares avait été achetée par la marine et avait servi de base et d’aéroport militaire pendant plus d’un siècle. Or, depuis 2012, il n’y a plus d’hélicoptères dans les hangars ni d’avions sur la piste d’atterrissage. Les surfaces bitumées sont encore là mais elles ont été ouvertes aux skateurs, aux chars à voile et aux mauvaises herbes. Pour nous, c’est l’occasion de découvrir une côte en pleine transition.
L’escadre a déménagé et opère aujourd’hui à partir de la Basse-Saxe. En quelque sorte, la marine s’est donc retirée de Holtenau — comme elle l’a fait aussi de l’autre côté du fjord, près de Mönkeberg. Les bâtiments où travaillaient et où vivaient à peu près mille personnes il y a encore dix ans sont vides. Du moins, c’est l’impression qu’ils donnent quand on se promène dans ce quartier fantôme.
Entre les arbres, en pleine forêt parfois, les immeubles en brique, les bureaux en tôle, les garages désaffectés et les lampadaires attendent que le nouveau quartier de Kiel prenne forme car Kiel a racheté cette zone en 2020. Pour la ville, il s’agit de s’approprier ce lieu et d’y créer un nouveau quartier durable : le « Zukunfts-Quartier ».
Mais à quoi ressemblera cet endroit en termes d’habitat et de mobilité ? A quelle couche de la société sera-t-il réservé ? D’un côté, ce quartier doit être moderne et durable ce qui a son prix. De l’autre, on peut partir du principe que la situation en bord de mer risque d’être coûteuse. Même s’il paraît qu’un certain pourcentage de logements sociaux a été fixé.
Ce qui est sûr, c’est que certains corps de bâtiments disparaîtront au profit d’immeubles modernes ou de zones industrielles. D’autres resteront et seront reconvertis car ils sont considérés comme historiques et protégés par la loi. C’est le cas par exemple du hangar de l’aéroport des années 1970 et des bâtiments réservés aux officiers puisqu’ils datent de l’Empire. Il y a aussi un stade et une zone de tir qui ont une valeur historique.
Le festival de Waterkant
Si tout se passe bien, dans une dizaine d’années, cette aire devrait donc accueillir 180.000 nouvelles habitations au sud, une zone industrielle au nord et des aires réservées aux loisirs. Comme le nouveau quartier de Kiel se trouve au bord de l’eau, il y aura certainement aussi un port de plaisance. Quant à la forêt, il est prévu que les 26 hectares restent intacts ce qui représente un tiers de la surface aménagée.
Actuellement, nous n’en sommes pas encore là. Si vous allez vous promener dans ce décor d’urbex, vous marcherez au bord de l’eau ce qui vous montrera le fjord sous de nouvelles perspectives, vous passerez devant des baraques en bois et des bouées en métal qui disparaîtront d’ici quelques années, vous regarderez passer un bateau, un char à voile et quelques skateurs en traversant la grande piste et vous arriverez finalement devant un grand hangar.
A l’intérieur, en tout cas, une exposition nommée Waterkant Festival ouvre ses portes une fois par an.
Ce projet récent est une idée innovante et intelligente d’utilisation de l’espace. Une exposition hétéroclite à mi-chemin entre présentation de jeux vidéos novateurs et informations diverses sur les enjeux du recyclage. Une exposition qui montre qu’à Kiel, de jeunes startups réfléchissent à l’avenir de la région en terme de climat et de durabilité.
Comme quoi, quand la marine se retire de Kiel, ça dure mais ça fait bouger les choses. Ce n’est peut-être pas si mal.
MfG, MFG !
A faire sur la rive est
Envie d’en savoir plus sur l’histoire de Kiel et sur son passé militaire ? Dans un premier article, je vous fais découvrir une belle petite plage juste à côté du port et un chemin de randonnée qui remonte vers la « Côte du Soleil » comme on appelle la rive est ici. Dans ce contexte, j’explique pourquoi la marine allemande fait partie du paysage même si elle cède certaines parties de la côte depuis quelques années.