Parmi les dix îlots de la mer du Nord qui se trouvent au large des côtes, la Hamburger Hallig est la plus facile d’accès. Grâce à la route qui la relie au continent, il est possible d’y aller par presque tous les temps. Préférez cependant la période entre début avril et fin octobre car c’est là que vous pourrez en profiter pleinement. Bien qu’elle ne soit pas habitée, vous ne serez pas seuls. Les troupeaux de moutons vous accompagneront jusqu’à la plage ou au restaurant.
Voici une très jolie promenade à faire en vélo. La mer des Wadden comme on l’aime : avec ses prés salés et ses moutons (en ragoût aussi), au rythme des pédales.
En arrivant sur le parking, je me dis que j’aurais pu laisser mon vélo à la maison. Pas parce que les quatre kilomètres qui séparent la côte de ce petit îlot se font plus facilement à pied. Au contraire, je suis bien contente d’avoir choisi ce moyen de locomotion. Il est parfait pour cette promenade. Mais en fait, il y a tout un lot de vélos bleus juste à l’entrée du centre d’information, reconnaissable à son toit vert clair et à son nom : le « Amsinck-Haus ».
L’association a d’ailleurs l’air de faire confiance à ses visiteurs car les vélos qui sont garés à l’extérieur peuvent être utilisés en dehors des heures d’ouverture. Il suffit de glisser quelques pièces de monnaie dans une enveloppe.
En fait, la Maison Amsinck donne le bon exemple car il s’agit d’une prestation au service de la nature. Il est possible d’aller jusqu’à l’île en voiture mais pourquoi le faire ? Le droit de passage en voiture coûte 6 €, il faut rouler au pas et pour tout dire, la Hamburger Hallig se découvre en premier lieu à pied ou en vélo, au rythme des moutons qui se promènent lascivement sur la route et des huîtriers pies qui inspectent les trous de vasière et les chenaux avec leur bec rouge.
A peine arrivés sur la bande d’asphalte qui mène à l’île, nous sommes entourés par un monde qui vit au rythme des marées, un paysage horizontal qui s’ouvre aux vents et aux regards. Un monde de moutons, omniprésents — sur la route, sur la digue, dans les herbes hautes des prés. Ils digèrent en groupes, assis dans des trous de terre ou contre une barrière. Aujourd’hui, ils cherchent l’ombre et la fraîcheur.
Pour moi, c’est l’occasion de profiter de la beauté sauvage de la mer du Nord. De découvrir au ralenti les prés salés qui s’étendent des deux côtés de la route sur des kilomètres et qui s’arrêtent un peu avant que ne commence la plage, enfin ce qu’on pourrait appeler une plage : une côte empierrée, bitumée au bout du monde, vaseuse à marée basse, liquide à marée haute.
Un tête-à-tête avec les moutons et les oies, la mer et les îles des alentours. Par ce temps lourd, nous voilà entourés des couleurs de la mer des Wadden. Cent variations de gris.
En chemin, nous nous arrêtons. Nous laissons nos vélos au niveau d’une première butte, juste à côté d’une bande de moutons assoupis contre une grille. Un chemin monte jusqu’à la maison d’observation de NABU.
Deux jeunes femmes nous accueillent, contentes d’avoir de la visite, heureuses de partager leur savoir sur la faune de la mer du Nord. Oh, il est revenu. Est-ce que vous voyez la flaque ? Au mieux, installez-vous et regardez par le monoculaire. Vous verrez un pluvier grand-gravelot. Là. Au bord de l’eau… Vous le voyez ?
Pour observer les oiseaux qui peuplent les vasières, pas besoin forcément d’emmener ses jumelles. Les étudiantes sont bien équipées. Elles discutent des petits oiseaux de la côte, répondent à nos questions, nous offrent des dépliants sur les coquillages de la mer du Nord. Au fond, un poêle rappelle que d’ici quelque temps, les hivers seront froids.
Nous reprenons la route. La seule route qui mène à une seconde butte et qui se termine à la plage. La prochaine fois, ce sera un arrêt culinaire car l’air frais de la mer creuse.
Le « Hallig Kroog » est un restaurant qui a élu domicile dans la seule chaumière de l’île. Une bonne adresse dans la région.
Le ciel se voile, tourne lentement à l’orage.
Je commande un ragoût de mouton à la salicorne avec des petites pommes de terre au romarin. Une cuisine excellente qui se veut régionale.
Le soleil a disparu derrière les nuages qui se répandent dans l’immensité du ciel. Ils forment un océan céleste de pluie. Le temps d’un repas, la voûte grise se charge de gouttelettes uniformes, s’assombrissant de minute en minute avant de redescendre doucement en silence sur la mer. Juste au moment où, repus, nous découvrons « la plage ».
Nous sommes presque au bout du monde, mais pas seuls car autour de nous, il y a d’autres îlots. Unis vers l’uni, dirait peut-être Jonasz.
Quelques informations utiles
Quand on décide de venir à la Hamburger Hallig, il vaut mieux savoir ceci :
1. La Hamburger Hallig fait partie des perles rares de la côte car dans la mer des Wadden, il ne reste plus que dix Halligen. Il s’agit de petits îlots à faible altitude qui se sont créés au large ou qui sont le reste d’anciennes îles, plus vastes à l’origine. Elles ont une fonction importante pour la côte puisqu’elles servent de brise-lame pendant les tempêtes.
2. Cette toute petite île inhabitée se trouve à mi-chemin entre Husum et Dagebüll, donc dans un endroit où vous ne trouverez pas grande civilisation. L’hiver, même les moutons s’en vont.
3. Qui vient ici, vient avant tout pour le paysage et la nature, au mieux de début avril à fin octobre car alors, le restaurant ouvre ses portes. La route qui existe depuis 1875 permet d’y accéder en dehors des grandes tempêtes.
Pourquoi Hambourg ?
L’histoire aurait pu tourner autrement. On a une idée, peut-être même une vision et de l’énergie. On s’achète des terres, on investit et on espère en profiter.
Les deux frères Amsinck, Rudolf et Arnold, avaient repris l’entreprise paternelle depuis six ans, une entreprise de tissu établie à Hambourg.
Pour une raison qu’on ne connaît pas, ils s’octroyèrent le droit de construire une digue sur une île située en mer du Nord.
Cette grande île appelée Strand, comme on appelle la plage en allemand, avait connu de grandes tempêtes qui l’avaient déjà morcelée et inondée, mais elle était néanmoins considérée comme fertile, grâce à sa tourbe par exemple. C’est peut-être cet aspect qui conduisit les deux frères à investir dans la construction d’un Koog qui porte leur nom d’origine néerlandaise encore aujourd’hui: le Amsinck-Koog.
Mais malheureusement pour eux, cette île se disloqua et disparut, submergée pendant la grande tempête du 11 octobre 1634.
Aujourd’hui, il ne reste presque plus rien de cette fameuse île : juste une Hallig et la butte fortifiée par les frères Amsinck. Deux Hambourgeois d’où le nom actuel de « Hamburger Hallig »…
A faire dans la région
En allant vers les terres, vous passez par la petite ville de Bredstedt qui se trouve à quelques kilomètres de la Hamburger Hallig. Là, vous pourrez vous promener dans un paysage NATURA 2000 de lande typique du Geest : la « Bordelumer Heide ».
Si vous voulez compléter votre visite par une autre Hallig (je cite uniquement celles qui sont habitées), vous pouvez choisir entre Gröde, Hooge, Langeneß, Oland et Nordstrandischmoor. Le transport se fait en général en calèche ou par bateau. Un des grands ports se trouve au nord de Bredstedt, à Dagebüll. Ici, beaucoup de bitume et de cailloux. Même à la plage. Cependant, cette côte ne manque pas de charme non plus. En tout cas, c’est exotique, surtout au niveau des cabanons de couleurs qui s’alignent sur la digue.
Pour ceux qui veulent séjourner plus longtemps à Oland et Nordstrandischmoor, il y a aussi un tout petit train qui peut vous y emmener. Parfois, comme à Nordstrandischmoor, vous pouvez aussi participer à ce qu’on appelle une « Wattwanderung« .
Voici un site internet qui vous renseigne plus amplement sur le monde des Halligen.
En repartant vers le sud, vous pouvez vous arrêter à Schobüll qui offre une côte sans digue et dont l’ancien port s’est envasé lui aussi. Vous aurez une belle vue sur la presqu’île de Nordstrand.
Encore plus au sud, vous tomberez sur la jolie ville de Husum, capitale de la Frise du Nord.