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Les Slaves d’Oldenburg

Parfois, quand on feuillette un livre d’histoire, on a l’impression de lire un roman fantastique. A la rigueur, on pourrait tout aussi bien être dans le monde tolkienien du « Seigneur des Anneaux » ou dans l’espace intergalactique de « Star Trek » car vu certains noms bizarroïdes, on s’imagine un pays d’Elfes, de Gondoriens ou de Klingons. Dans le cas de la région située entre Kiel et Lübeck, on a exactement cette impression, du moins quand on se penche sur la période du Haut Moyen-Age.

Les parties bleues représentent les migrations slaves. Oldenburg se situe donc à la frontière Nord de leur zone d’habitation. (Source : carte exposée dans le Wallmuseum)

Envie de voir autre chose que les habituels Vikings de la région ? Alors, commençons notre lecture à la page 680 (après Jésus-Christ) et faisons un saut dans un très beau musée à ciel ouvert. Il s’agit de celui d’Oldenburg qui retrace la vie d’un peuple qui y vécut à partir de la fin du VIIe siècle : les Obodrites.

Les Obodrites

Qui pense au Nord de l’Allemagne, pense forcément aux Vikings et c’est vrai qu’un peu plus haut, à Schleswig, on trouve Haithabu, une reconstruction du plus grand village scandinave du Haut Moyen-Age. Cependant, ici, entre les deux grandes villes de la Baltique, à l’époque, on n’est pas en territoire scandinave ni germanique mais… slave. Eh oui ! Apparemment, à l’époque des invasions barbares, il n’y a pas que les Germains à avoir eu la bougeotte. Au cours du VIIe siècle, des Slaves s’installèrent entre Kiel et Lübeck et commencèrent à construire des villages fortifiés. Comme les tribus germaniques avaient quitté le coin pour s’installer au sud-ouest de l’Elbe, il y avait de la place. C’est ainsi que peu à peu, des villages firent leur apparition dans cette grande zone qui était très boisée à l’époque. La plupart du temps, les Wagriens (le peuple slave qui s’implanta dans l’est du Holstein) choisissaient une colline naturelle et entouraient leurs habitations de ce qu’on appelle un « Wall », donc un grand rempart fait de terre, de pierres et de palissades en bois. A l’endroit où se trouve aujourd’hui la ville d’Oldenbourg, certains décidèrent de se poser. On part d’ailleurs du principe que Starigard est la ville fortifiée la plus ancienne de la région. Cela expliquerait aussi la signification de « Oldenburg » (anciennement « Aldinburg ») qu’on peut traduire par « la vieille forteresse ».

Le village fortifié

Alors, entrons dans l’enceinte du musée après être passés à l’accueil. Pour commencer, suivons le petit chemin empierré. Nous voilà très rapidement devant une grande place représentative. Un ensemble harmonieux de belles maisons faites de briques, de bois et de chaume nous accueille. Evidemment, il ne s’agit pas là du village slave de Starigard mais de (re)constructions historiques ultérieures.



Dans ces bâtisses imposantes, on trouve différentes expositions ainsi que le café-restaurant. Comme hors-d’œuvre, il n’y a pas mieux car la petite maison qui se trouve sur la droite abrite le four à pain. Je suppose qu’en saison, on peut commencer par y faire quelques emplettes.

Prenons de ce pas le petit chemin bucolique qui part sur la droite et descendons vers le vieux village. De loin, vous voyez déjà des chaumières. Certaines, celles du port, sont juste au ras de l’eau. Au passage, vous passez devant une famille slave très massive qui est postée là, devant la façade de la boulangerie. Un avant-goût de ce qui vous attend plus loin car en vous dirigeant vers les habitations, vous allez remonter dans le temps et vous rencontrerez des personnes qui ressembleront beaucoup à ces statues en bois.



En tout, vous visiterez une vingtaine de constructions qui sont réparties en deux grands groupes. Qu’elles fassent partie du village de pêcheurs ou du village d’artisans, elles permettent toutes de se faire une idée plus concrète de ce que fut la vie des Slaves il y a plus de 1000 ans.

Le circuit commence donc par le village de pêcheurs dont certaines maisons sont sur pilotis. Au bord de l’eau, un grand hangar abrite deux bateaux qui sont mis à l’eau au printemps. Regardez bien par terre devant la porte d’entrée, vous verrez une longue rainure qui forme un sillon entre hangar et rivage. C’est par ce biais que les bateaux aux coques pointues peuvent être poussés plus facilement dans l’eau.



En visitant toutes ces maisons en torchis et en chaume bâties près du rivage, on s’imagine la vie des pêcheurs d’autrefois. Les portes sont ouvertes, les filets de pêche et les nasses pendent aux murs, ça sent le feu de bois. Ici et là, un jeu de quilles, des couverts et des litières montrent qu’on vit et qu’on dort régulièrement dans ces habitations. Des enclos bas délimitent les potagers. A côté des petits saules étêtés, des branches d’osier jonchent le sol, formant des petits bottes prêtes à être tressées. Les chemins en platelage résonnent doucement sous les pas. Entre deux maisons, une femme, penchée, ramasse quelques herbes fraîches et désherbe une petite surface. Ses habits en gros lin, ses souliers en cuir et ses longs cheveux gris tressés indiquent qu’elle fait partie intégrante du village. Comme si elle y vivait !



Au fur et à mesure de la promenade, vous voici de l’autre côté de l’étang (artificiel même si ça ne se remarque pas du tout) et vous entrez dans le village des artisans. Dans les prés et au bord de l’eau, les moutons paissent paisiblement tandis que les oies et les canards se dandinent et s’ébrouent de plaisir. Un tableau paradisiaque, surtout au printemps quand la verdure refait surface ! Tout est vert, tout est craquant, tout sourit au soleil.

Comme chaque maison est parrainée, partez du principe qu’il y aura de la vie dans les maisons d’artisans, même en basse saison*. Le charpentier scie du bois et explique comment il va construire la prochaine maison. Attention ! Ne mettez surtout pas vos mains dans vos poches, sinon, il vous engagera tout de suite rien que pour vous donner une leçon. Ici aussi, les potagers viennent d’être retournés, le puits est encore ouvert, le seau encore humide est posé sur la plaque en bois et l’eau attend près du feu. Les plantes sont déjà sur la table, prêtes à teindre la laine. Un couple s’affaire devant la maison. Pendant que la femme attise le feu, l’homme, assis, est en train de fabriquer des perles avec de la stéatite. Qui engage la conversation et veut mettre la main à la pâte, peut garder sa perle après l’avoir fabriquée ! C’est génial pour les enfants mais pour les grands aussi. Plus loin, on peut même décorer des bijoux en métal ou tisser un petit coup.

*Au mieux, allez-y quand même le week-end.



Les remparts de Starigard

Qui se demande à quoi ressemblait Starigard au VIIe siècle, n’a qu’à faire un petit tour dans les différents bâtiments d’exposition. Une maquette permet de mieux comprendre la configuration du village slave avant l’an 1000. On y trouve également plusieurs modèles expliquant la construction des remparts. Evidemment, dehors, vous pouvez aussi voir une reconstitution d’une partie du rempart car le village est fortifié vers l’arrière. Ainsi, à la fin de la visite, vous passez sous un porche et traversez les fortifications. Impressionnant quand on pense que les Slaves n’avaient pas de bulldozers et qu’ils n’étaient pas des milliers – ça fait vraiment penser à Obélix…



Dans le centre d’Oldenburg, il est possible de découvrir une partie du véritable « Wall », du moins ce qu’il en reste. Il faut s’imaginer qu’à l’époque, un cours d’eau, l’Oldenburger Graben, permettait de se rendre en bateau de Starigard jusqu’à la mer Baltique.

Les expositions sur les Slaves du Holstein

Dans les salles d’expositions, vous avez aussi la possibilité d’en savoir plus sur l’organisation de l’empire obodrite, sur le quotidien des habitants de Starigard ainsi que sur leurs systèmes de défense, leurs coûtumes et leurs rituels. Pas mal de textes informatifs et quelques animations audiovisuelles mais surtout beaucoup d’objets dont un échiquier « Game of Thrones » qui m’a beaucoup plu (photo à l’appui !). A noter qu’au Xe siècle, les Slaves furent assujettis par les Saxons après les avoir combattus aux côtés des Francs. Leur langue disparut au cours des siècles. Aujourd’hui, seuls restent les noms de villes slaves tels que Lübeck, Plön ou Laboe.



Entre les Scandinaves et les Slaves, le cœur balance…

Au risque de froisser les habitants de Schleswig qui sont très fiers parce qu’ils ont réussi à inscrire Haithabu, leur village Viking, au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2018, je conseille plutôt ce musée qui est moins connu mais que j’ai trouvé plus intéressant et plus authentique. Evidemment, rien n’empêche de faire les deux !

Le village scandinave et son musée valent le coup, c’est clair. Surtout quand on prend en compte la nouvelle scénographie du musée. Vraiment intéressant et vraiment esthétique ! Qui plus est, les maisons du village ont été construites sur le site d’après les résultats des fouilles archéologiques ce qui fait leur charme. Cependant, en été, c’est plein comme un œuf car Haithabu est un peu la mecque des Scandinaves et connu en dehors des frontières. La dernière fois, j’ai trouvé le site hyper touristique**. J’ai l’impression qu’il n’y a pas vraiment de mouvement dans le village depuis des décennies, du moins en matière de constructions. Le village se limite à sept maisons (très belles, il faut avouer !) et un ponton.



Le Wallmuseum est moins connu, c’est clair. Et les expositions qui se trouvent dans plusieurs bâtiments « historiques » sont moins modernes. Ici, pas vraiment de tableaux interactifs ni d’illuminations savantes. Néanmoins, les informations dans les salles sont très exhaustives et leur agencement est hyper charmant. En une fois, on ne peut pas s’imprégner de tout. Il y a de quoi revenir ! A l’intérieur aussi, on peut toucher, renifler, expérimenter et même mettre une cotte de maille si on veut. En somme, un musée à ciel ouvert familial, intimiste et très, très vivant. A tomber amoureux ! Un village fait avec soin où les gérants et les figurants, des bénévoles au fait, sont relax, chaleureux et toujours pleins de nouvelles idées. On remarque qu’ils adorent ce qu’ils font et du coup, le quotidien des Wagriens devient plus explicite.

**A titre d’exemple, Haithabu a accueilli environ 180.000 visiteurs en 2019.

La motte féodale de Lütjenburg

Une autre possibilité pour se rendre compte de la vie des habitants du Holstein au Moyen-Age ? La visite de la motte féodale de Lütjenburg qui n’est pas très loin ! Ce petit tour ne coûte rien mais rapporte beaucoup. Si vous voulez en savoir plus, lisez mon article sur ce village factice mais très authentique ! Et si possible, allez-y quand il y a une animation.



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