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Les Hüttener Berge ou Bismarck et ses myrtilles

A vrai dire, je ne sais pas si Bismarck aimait les myrtilles mais là où il trône depuis 1930, grand, fier, le regard porté vers le nord-est du pays, il a non seulement vue sur une bonne partie du Schleswig-Holstein mais aussi sur tout un parterre d’airelles qui font le bonheur des randonneurs au mois de juillet.

A ses pieds, des champs vallonnés s’étendent dans un charmant fouillis de forêts et de ce que l’on appelle des « Knicks ». Ce mot rigolo désigne en fait tout un ensemble de taillis qu’on trouve dans la région depuis les années 1770. En tout, 46.000 km de bosquets et d’arbustes servant à délimiter les champs. Rien qu’à Ascheffel, il y en a 110 km et aujourd’hui, ils sont strictement protégés par la loi.


Le paysage semble quadrillé et plus boisé qu’il ne l’est en réalité.

Ici, l’été, ça sent bon le foin qui sèche et à la tombée de la nuit, les lièvres viennent clopiner. Alors, on ne trouve plus personne — juste un oiseau de proie peut-être. Bucolique, le panorama ! Romantique, la vue qui s’offre au voyageur et à l’ex-chancelier !

Par beau temps, tout ce petit monde voit miroiter la Baltique du côté de Eckernförde et deux ou trois lacs cachés entre les arbres. Dans le lointain, quelques groupes d’éoliennes ainsi que les grands bâtiments de Kiel s’élèvent un peu vers le ciel. Et s’il pouvait se déplacer, ce vieux Bismarck, il monterait certainement volontiers jusqu’au sommet de la tour qui se trouve à quelques mètres de là, histoire de profiter du soleil couchant après un bon dîner et d’admirer encore un peu plus son domaine. Alors, vingt mètres plus haut que d’ordinaire, il apercevrait même le fjord de la Schlei et s’étonnerait de la tranquillité du lieu.



Les Montagnes des Huttes

Nous sommes au cœur d’un petit parc naturel, le plus petit du Schleswig-Holstein d’ailleurs, et Bismarck, enfin sa statue en bronze, se trouve en haut du Aschberg, à 98 mètres d’altitude. Les « Hüttener Berge » qu’on pourrait traduire par les « Montagnes des Huttes » sont considérées comme les dernières montagnes avant la frontière germano-danoise. Depuis quelque temps, on leur donne même le surnom osé de « petit Harz » — tourisme oblige. Est-ce à cause des panoramas surélevés ou des pins qui font penser aux forêts sombres du massif harzien ? Aucune idée mais on est loin des 1140 m d’altitude du Brocken.



Ici, les petites montagnes s’élèvent jusqu’à 105 mètres d’altitude*. D’après les experts, elles sont issues de plissements répétés du terrain. C’est en se déplaçant que les glaciers scandinaves les ont créés il y a entre 15.000 et 30.000 ans, laissant derrière eux un relief un tant soit peu montagnard. Il serait plus précis de parler de collines mais quoi qu’il en soit, qui est en mal de grimpette dans ce Bundesland assez plat, peut s’attaquer à deux sommets qui musclent bien les mollets : le Heidberg (99m) et le Aschberg (98m).

*Je vous épargne les chiffres derrière la virgule, cela ferait ridicule même s’ils sont indiqués sur wikipedia.


Les paysages des « Hüttener Berge » sont très variés. Dans ces belles vagues vertes, les lapins jouent à cache-cache à la fraîche.

Découverte à pied ou en VTT

Je vous invite ici à faire une belle randonnée et à découvrir ces deux montagnes. Entre deux, vous ferez un petit saut dans une vallée retirée au nom à rallonge de Unterschoothorst. Rien que pour profiter de l’idylle champêtre de cette région méconnue des touristes. Voici deux circuits publiés par le parc naturel des « Hüttener Berge » que j’ai combinés pour faire une randonnée reliant les deux sommets :

  • N° 3 – 7 — uniquement la partie concernant le trajet Heidberg <> Unterschoothorst (départ de la randonnée au parking près du Heidberg)
  • N°8 — Unterschoothorst <> Aschberg (5,3 km)

Petit conseil :
Etant donné qu’il y a de nombreux chemins et sentiers forestiers dans ces forêts, je vous conseille de vous équiper d’une carte plus détaillée ou d’utiliser openstreetmap.

Découverte en voiture

Qui ne tient pas à faire le parcours à pied, peut garer sa voiture devant le Panorama Hotel Aschberg, un hôtel-restaurant situé au sommet du Aschberg. De là, Bismarck est à quelques pas et de la tour du restaurant, on peut admirer les environs par temps clair.


On peut accéder facilement et rapidement à la statue car elle se trouve à quelques centaines de mètres du parking.

Par contre, pour aller au Heidberg, il faudra marcher un peu car il n’est pas accessible directement en voiture. Le parking le plus proche est au pied de la colline (regardez sur la première carte), l’ascension se fait en 15 minutes environ.

Un peu d’histoire
Tout commença avec une petite cabane en bois bâtie au milieu d’une clairière. Elle était bien placée. Il y avait de l’eau, du bois et du sable à profusion. Que demander de plus pour fabriquer du verre ? Lorsqu’un jour, un seigneur décida de remplacer la « Glashütte » par une forteresse afin de s’y installer, on trouva un nom bien pragmatique pour désigner cet endroit situé aujourd’hui au nord du Canal de Kiel et pas très loin de la mer Baltique. Comme le château était près des huttes, on l’appela tout simplement « To de Hutten ».

C’était au XIVe siècle et on ne parlait évidemment pas encore du parc naturel des Hüttener Berge puisque celui-ci ne fut créé qu’en 1970 mais il semblerait que le tout petit village de Hütten ait donné son nom à la région. A vrai dire, je ne sais pas qui choisit l’appellation actuelle mais ça fait très romantique, les « Montagnes des Huttes ».

Le Heidberg (99m)

Débutons notre balade en allant en haut du Heidberg qui n’est pas le point culminant de la région mais qui offre tout de même un joli panorama sur une partie des Hüttener Berge. Avec ses 99 mètres, cette colline est assez élevée pour que la vue fasse effectivement penser aux paysages du Harz.


Un petit air de Harz

Le Heidberg est une attraction locale. D’abord, cette colline bien boisée permet de faire de belles promenades en forêt. Ensuite, son ascension se mérite, surtout en vélo tout terrain. Eh oui, il y a quelques années, une association décida d’y aménager un parcours VTT : le « Hüttitrail ». Depuis, plusieurs circuits font découvrir le Heidberg de manière plus ou moins sportive. Alors, chers randonneurs, faites bien attention aux panneaux car les sentiers ne sont pas les mêmes et si vous ne voulez pas vous faire écrabouiller, évitez de les confondre… Choisissez le chemin blanc.



Arrivés au sommet, un banc en bois et un menhir vous attendent. Pour faire un peu alpin et parce que le E1 (un chemin de randonnée européen) passe par là, un carnet de visiteurs a été déposé dans une boîte en bois. A vous de voir si vous voulez y laisser quelques mots. En été, n’hésitez pas à cueillir quelques myrtilles**. Elles mûrissent entre les bruyères et les fougères.

**Enfin, ne raflez pas tout. Laissez-en aux animaux quand même! La législation préservant la nature pourrait nous interdire la cueillette un de ces quatre si nous exagérons.



La petite vallée de Unterschoothorst

Pour aller au Aschberg à pied en partant de Heidberg, redescendez en direction de la vallée de Unterschoothorst et traversez le petit hameau. Vous y découvrirez quelques fermes dont celle de Saelde où vivent des personnes assistées. Un panneau prévient de s’adapter à l’accueil des habitants.


La vallée est composée de beaux pâturages bien verts.

Le Aschberg (98 m)

En arrivant dans la forêt qui entoure le Aschberg, vous remarquerez que ça monte sec. J’avoue que nous nous sommes un peu perdus dans ce labyrinthe de sentiers mais en fait, en suivant l’itinéraire pédagogique appelé le « Waldlehrpfad », vous devriez tomber sur la statue monumentale de l’ex-chancelier Otto von Bismarck au détour d’un sentier qui monte vers le Aschberg.



Bismarck

La statue en bronze de l’ancien chancelier (1815-1898) se trouve au sommet du Aschberg, juste à côté d’un restaurant. Cette statue de 7 mètres créée en 1901 par Adolf Brütt n’est pas ici depuis le début. En effet, le monument avait tout d’abord élu domicile au Knivsberg près de Åbenrå. Lorsque cette région devint danoise en 1920, la statue déménagea et se retrouva au Aschberg après avoir séjourné pendant dix ans dans une grange de la région. Depuis, la tête à Bismarck en a vécu des choses : elle a été séparée de son tronc quand il a fallu lui faire prendre le train vers Rendsburg en 1920, elle est tombée lors d’une tempête en 1967 et elle a rougi pendant un incendie avant de se faire badigeonner de saumure de hareng afin de retrouver sa belle couleur verdâtre. Et ce n’est peut-être pas fini car depuis qu’on remet en question l’existence des statues d’hommes politiques ayant contribué au colonialisme, il risque de lui arriver des misères à nouveau…



C’est vrai que la statue glorifie un chancelier qui a prôné et qui a fait la guerre (contre la France aussi d’ailleurs !), qui a profité des mouvements nationalistes et de la colonialisation pour agrandir l’empire germanique. Cependant, ne connaissant pas assez sa biographie et surtout l’ensemble de sa politique nationale et internationale, je m’abstiendrai d’un verdict. Il est là, debout, en pleine nature, avec son gros ventre, les traits sévères, le regard porté vers le lointain, dans son uniforme et avec son casque à pointe, l’épée dans une main et la couronne de l’empire dans l’autre. En terme d’esthétique, l’artiste natif de Husum et qui fit partie du courant réaliste a fait du beau travail. Une belle statue montrant qu’il y a un peu plus d’un siècle, on vénérait ce chancelier… même post mortem.


Non, il n’y a rien à voir sous la tunique. Le réalisme a une limite : la pudeur !

Huk’s Restaurant et la tour panoramique

Je n’aime pas forcément faire de publicité pour les restaurants mais le Huk’s Restaurant est vraiment sympa, que vous soyez en terrasse ou au chaud derrière les grandes baies vitrées. Une ambiance chaleureuse avec sa déco tendance en bois, une carte pas très longue mais avec une cuisine régionale et des aliments tout frais. De quoi se faire du bien après une belle balade.


De la terrasse du restaurant, on a une paix royale. Très cosy !
La tour en bois se trouve en haut à gauche, cachée derrière les taillis.

Comme avec covid, seuls les hôtes ont accès à la tour, vous pourrez faire d’une pierre deux coups : manger un bon Flammkuchen aux girolles, du poisson bien frais ou un hamburger bio pour commencer et brûler vos calories en montant tout en haut de la tour ensuite (ce serait quand même bête de prendre l’ascenseur). Vous avez juste à le demander à la réception ou aux serveurs. Ils vous indiqueront le chemin.



Comme c’est l’entreprise d’équipement de sport Globetrotter qui a construit cette tour, un mur d’escalade a été construit le long d’une des parois. J’avoue ne pas avoir demandé sous quelles conditions il est possible de grimper. Je suppose que les hôtes peuvent le faire gratuitement mais je n’en suis pas sûre. Demandez tout simplement.



En tout cas, d’en haut, quel beau panorama ! A faire aussi lorsque le soleil se couche sur ce joli petit parc…



Sources