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L’effet dynamite : Les ruines de Düneberg

Près de Hambourg, juste au bord de l’Elbe, il y a un paysage de dunes (d)étonnant. Le sable, plus blanc et plus fin que celui de la Baltique, et le vent y ont formé une succession aléatoire de creux et de bosses qui s’élèvent jusqu’à une vingtaine de mètres. Aujourd’hui, une belle forêt de pins recouvre la plupart des surfaces et un paysage de lande est en train de s’y créer mais si vous décidez d’aller faire un tour dans les Besenhorster Sandberge donc dans les dunes de sable de Besenhorst, ce sera peut-être pour une autre raison.

En effet, en se promenant dans cette zone protégée qui appartient à la commune d’Altengamme (même si on parle en général de Geesthacht), c’est un peu comme si on jouait avec le temps. Un véritable exercice de conjugaison sur fond de « Lost place » comme on appelle l’exploration urbaine en allemand.


432 … 1 … 0 ! Boum ! Dans la forêt, les ruines sont numérotées.


Le présent

Au présent, il s’agit d’une jolie promenade avec un peu d’urbex. Des phrases du genre :

Je te conseille de prendre les petits sentiers de la forêt d’Altengamme car tu peux y découvrir les ruines d’une ancienne fabrique de poudre. Ce qui fait le charme de l’urbex, c’est certainement l’aventure et le constat de l’éphémère. En parallèle, il y a l’histoire, le passé.



Le passé

D’abord, on y trouve le passé composé des années 1930 :

Il y a à peu près cent ans, la Dynamit AG a fait bâtir des centaines de bâtiments en brique et en béton armé au bord de l’Elbe. Des routes et des lampadaires ont été construits entre les dunes. Une véritable ville ! Dans les années 1940, les nazis ont décidé de cacher leurs activités d’armement sous des toits végétaux. Ainsi, pendant des années, des dizaines de milliers de travailleurs y sont venus quotidiennement pour fabriquer des munitions.



Un peu de plus-que-parfait aussi pour expliquer la chose :

Alfred Nobel, l’inventeur de la dynamite, avait choisi les bords de l’Elbe comme emplacement pour faire ses expériences détonantes dans les dunes et il avait même créé une entreprise de dynamite à Geesthacht, juste à côté.



Ensuite, à partir de 1945, il y a l’imparfait du verbe falloir, celui des alliés :

Il fallait détruire cette fabrique coûte que coûte.

Et celui des travailleurs plus ou moins forcés :

Il fallait travailler, sinon ils nous tuaient.

Finalement, les bâtiments parlent du renouveau d’après-guerre, un passé dé-composé, destructeur et chaotique car après les bombardements de 1945, il s’était avéré nécessaire de déminer le terrain avant de faire exploser les centaines de blockhaus. Aujourd’hui encore, il n’est pas certain que toutes les bombes aient été trouvées si bien que des panneaux interdisent de quitter les chemins. Cependant, c’est en empruntant les petits sentiers qu’on découvre le passé composite de ces lieux : les toits écroulés, les squelettes de métal tordus, les cratères causés par les bombes et les explosions, les fougères, les mousses et les arbres qui se servent des interstices pour prendre racine.



C’est ce contraste d’indicatifs, entre le passé simple de ce qui « fut » et le présent de ce qui « devient », qui confère au lieu tout son message actuel de vanité humaine et de pacifisme. Un message à touche d’impératif …

Le futur et le conditionnel

… car d’une certaine manière, cette balade projette aussi vers l’avenir. Elle montre au futur que notre architecture n’est pas si durable malgré toute sa ferraille et ses gros murs bétonnés :

Cette architecture se désagrégera un jour et elle finira peut-être comme le Royaume de King Louis ou les châteaux en ruines du Moyen-Age.

Quant aux verbes être et pouvoir, ils se déclinent au conditionnel :

Dans cette jeune forêt, on voit en effet ce qui pourrait arriver à notre civilisation lorsque la nature aura repris le dessus. Un scénario digne de la Planète des singes. Mais malgré les délices de l’aventure et de l’éphémère, ne serait-il pas plus intelligent d’œuvrer autrement dès le départ ? En harmonie avec l’homme et la nature ?



Le subjonctif

En guise de conclusion, j’ose formuler un vœu, un rêve dans un futur proche, simple ou antérieur, un gentil petit subjonctif bien naïf peut-être :

Qu’on évite de nouveaux chapitres similaires … que ce soit à Geesthacht, à Aleppo ou à Ganja.

Une balade (avec ou sans grammaire) impressionnante en perspective et les rives de l’Elbe en prime !



A faire dans le coin

  • Le musée de la ville de Geesthacht qui retrace la vie d’Alfred Nobel
  • La passe à poissons de Geesthacht
  • Les jolies petites villes du bord de l’Elbe, par exemple Lauenburg