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Deux petits trésors saxons : Schmilka et sa Bastille

Petit mais (très) joli — c’est le programme que je vous propose aujourd’hui. D’abord, je vous emmène dans un tout petit village qui a été élu le plus beau de Saxe en 2017. Ensuite, vous aurez le droit à un panorama à 180° avec vue sur quelques splendeurs de la région. Nous monterons jusqu’à la petite Bastille qui, le soir, pourrait presque faire concurrence à sa grande sœur sauf que vous n’y trouverez pas autant de monde et simplement un banc, quelques pierres pour s’asseoir sous les pins et le bruit des oiseaux de nuit dans la pénombre.

Un bon plan qui mérite d’être inscrit dans le Top Five de la Suisse saxonne. A faire le soir afin de savourer un des plus beaux couchers de soleil de la région !


Schmilka

Ce qui fait penser à une marque de chocolat très connue, est en fait un tout petit village de la Suisse saxonne et plus exactement le dernier village avant la frontière tchèque.

Schmilka n’est pas difficile à trouver. Il faut juste quitter la ville de Bad Schandau dont le village fait partie et longer l’Elbe jusqu’au bac « Schmilka-Hirschmühle » qui va et vient entre les deux rives.

En fait, Schmilka, c’est le dernier panneau jaune avant que n’arrive Hřensko avec son étrange tourisme germano-asiatique, ses maisons colorées et ses gorges — le fin fond de la République Tchèque et ses trésors.

Sur la route, juste après les dernières maisons, vous voyez d’ailleurs encore quelques traces de la frontière : un bâtiment désaffecté qui servait de poste-frontière. Le truc pas bien beau. Heureusement, le reste du village a bien meilleure mine et mérite une petite visite :


Les maisons historiques s’alignent dans la rue principale. Une toute petite rivière (mais à fort débit) coule entre les maisons et la rue pavée, alimentant le moulin à eau.

Coincé entre une paroi rocheuse et le cours de l’Elbe, Schmilka existe depuis longtemps. Son histoire très rurale avait commencé avec trois habitations et un moulin (1665). Pendant des siècles, il s’y était créé un refuge où vivait un petit monde fait de bateliers parcourant le fleuve, de radeliers qui transportaient le bois des forêts de Bohème en utilisant les affluents de l’Elbe, de bûcherons, de charbonniers et de pégouliers sans oublier les tailleurs de pierres.


Les anciennes maisons en bois ont été restaurées avec goût et amour des matériaux anciens.

Lorsque ces métiers devinrent obsolètes, le village perdit presque tout son sens. Ce fut l’agonie. Mais heureusement pour nous, le moulin à farine et les maisons à colombages datant du XVIIIe et XIXe siècle furent rachetés et restaurés si bien qu’aujourd’hui, Schmilka fait partie des plus beaux villages de Saxe et surtout des plus écologiques grâce aux projets de Sven-Erik Hitzer à qui appartient plus de la moitié des maisons.

Qui visite ce village de 78 habitants, pourra voir un ensemble harmonieux de constructions qui longent soit l’Elbe soit le petit ruisseau de l’Ilmenbach. Un bon nombre de maisons est composé d’appartements de location écolos qui font partie d’un concept touristique très intéressant.


Au bord de l’Elbe, un café bien ensoleillé propose des gâteaux et des glaces sur sa terrasse. Pendant ce temps, le Lena, un bac pour piétons datant des années 1920 traverse le fleuve juste à côté pour rejoindre la gare ferroviaire.

Le Sentier des peintres qui a été reconstruit en 2006 grâce aux notes et aux récits des artistes du XIXe siècle passe par le village (il est le but de l’étape n° 5 et le départ de l’étape n° 6). Il traverse l’Elbe et continue en direction de Gohrisch vers les plateaux de la rive gauche.

Deux traces de la venue des peintres allemands à Schmilka :

  1. Adrian Ludwig Richter, peintre et dessinateur de Saxe, fit un croquis et plus tard, une gravure du moulin à aube du village. C’est ce document qui servit à restaurer le moulin en 2007.
  2. Schmilka se trouve juste à un kilomètre du paysage qui inspira Caspar David Friedrich pour certains éléments de son tableau « Le Voyageur contemplant une mer de brume » car il se servit en partie de plateaux des alentours — du Zirkelstein, du Rosenberg et d’un bloc de pierre situé devant la Kaiserkrone. Regardez le tableau. Je parle des massifs qui émergent de la brume et de la pierre sur laquelle le promeneur se tient debout.

Malgré la taille très réduite de ce village, je n’ai pas l’impression de m’être assez imprégnée de sa beauté. Voici quand même quelques photos sans grands détails qui vous permettent de vous faire une idée du lieu et de ses couleurs.

La petite Bastille

A 600 mètres de là (à vol d’oiseau), le promontoire de la « kleine Bastei » s’élève au-dessus de l’Elbe. Nous sommes à une altitude de 276 mètres, ce qui nous permet d’avoir une très belle vue sur cette vallée et de surplomber certains plateaux de la Suisse saxonne.


En face, le Lilienstein près de Bad Schandau. Plus près à droite, les Schrammsteine.
De l’autre côté de l’Elbe, les plateaux du Oberlausitz.

Le soir, lorsque le soleil se couche derrière le Lilienstein et qu’il transforme le fleuve en lacet doré, que les parois crevassées des Schrammsteine s’estompent peu à peu dans la pénombre, vous serez en plein romantisme. Comme tout bon film, il faut le vivre du début jusqu’à la fin.



Aussi, prévoyez une lampe pour le retour. Emmenez une petite collation et ne vous sentez pas dérangés par les quelques visiteurs qui seront certainement aussi charmés que vous du silence et de la vue. Préparez aussi votre appareil si vous voulez éterniser ce moment. Enfin, installez-vous sur le banc, contre la balustrade ou sur la grande pierre ronde qui se trouve un peu en retrait sous les arbres et savourez.



Même l’ombre la plus obscure peut devenir intéressante. Derrière vous, vous verrez disparaître la Bohème peu à peu. Sur la rive gauche, la silhouette des plateaux — les Zirkelsteine, la Kaiserkrone et les Zschirnsteine — se réduira finalement à un noir diffus à moins que la lune ne les éclaire.


Sinon, vous verrez en tout cas les lumières isolées de quelques habitations et celles d’un train qui passe de temps en temps le long de la rive.


Comment aller à la « petite Bastille »

Pour y aller, il faut marcher un peu. Un peu avant que le village commence, vous verrez un escalier très raide qui monte presque directement vers le point de vue (calculez au moins trente minutes de grimpette). Sinon, il existe une boucle qui passe par la rue principale du village, ce qui permet d’apprécier Schmilka.

Personnellement, j’ai préféré faire ce circuit de 4 kilomètres et prendre les escaliers au retour avec ma frontale. Trois avantages :

1) Rejoindre le parking en marchant le long de l’Elbe m’a paru plus agréable que d’essayer de retrouver mon chemin dans la forêt de nuit et de déranger le monde animal à une heure où la nature devrait lui appartenir.

2) Le chemin est éclairé le long de l’Elbe, il y a des petites lumières romantiques ici et là et la présence de l’eau est exactement ce qu’il faut pour rentrer serein.

3) Faire Schmilka à l’aller permet de découvrir le village et de se prendre un petite bière, une glace ou ou ou avant de rejoindre le soleil couchant. Il faut juste avoir le bon timing.

Le chemin — A la fin de cette rue pavée qui se termine en impasse en quelque sorte, vous rencontrerez un large chemin forestier appelé Wurzelweg. Là aussi, ça grimpe, mais moins fort tout de même. Tournez à gauche dans le Roßsteigel qui monte dans une forêt élaguée il y a quelques années et rejoignez le Elbleitenweg. Alors, vous verrez un panneau indiquant le chemin vers la « Kleine Bastei ». Il faut compter au moins 40 minutes selon votre rythme.

« Be cool » — Ce qui est valable pour toute randonnée en pleine nature, l’est encore plus en fin de soirée. Respecter un lieu, ce n’est pas que « Ne jette rien » et « Ne laisse rien derrière toi ». C’est aussi « Évite les bruits inutiles ». En vous promenant à cette heure tardive, vous vous immiscez dans un monde nocturne qui ne compte pas sur votre présence. Aussi, faites-vous petits et gentils. (Après avoir vécu un coucher de soleil des plus bruyant dans les Vosges cette année, je préfère le signaler. J’avais pitié des chamois !) C’est aussi pour cette raison que le chemin le plus court est le plus approprié. Enfin, privilégiez peut-être plutôt une frontale pour descendre les mains libres. C’est plus sûr dans cette descente qui peut être glissante selon le temps. En plus, qui sait si vous aurez encore assez de jus dans votre téléphone après toutes vos belles photos… 😉


En arrivant à la petite Bastille, les rayons du soleil sont déjà très obliques.

Voici pour finir un résumé du circuit sur outdooractive (dans le sens inverse) et trois dernières photos.



Les incendies de 2022

Sachez que cette randonnée date d’avant les incendies de l’été 2022 qui ont touché la région de Bad Schandau et les environs de Hřensko (en Suisse bohémienne).

Le village de Schmilka n’a pas été touché directement par les flammes — heureusement —, mais même si les habitants ont pu rester chez eux, ils étaient aux premières loges. Les touristes aussi d’ailleurs. D’après ce que j’ai vu sur des sites privés, certaines zones autour de Schmilka ont brûlé. Les hectares sinistrés sont à nouveau accessibles, cependant partez du principe que la nature aura besoin de temps pour se régénérer.

Les forêts de la Suisse saxonne et bohémienne souffrent depuis des années de sécheresse. Le sol et la monoculture ont contribué également à la fragilité de l’écosystème. En marchant jusqu’à la Porte de Pravčice, j’ai pu m’en rendre compte. J’ai parcouru des hectares entiers sans une ombre. Donc, pensez aux bons réflexes en y allant. Please, be cool.

D’autres bons plans en Saxe et en Tchéquie

Sur la rive gauche:

Sur la rive droite:

Vers Dresde:

En République tchèque: