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Le port historique de Tönning

Lorsque Jules Verne et son frère arrivent à Tönning, le soleil fatigué par sa course céleste est en train de basculer dans les vagues et de se perdre derrière l’horizon. Ils naviguent sur la mer du Nord depuis quelque temps et sont juste « à l’embouchure de l’Eider » à la tombée de la nuit, comme le note Paul dans son carnet. Le 15 juin 1881, un mercredi, il fait beau et sur leur yacht, les deux frères profitent du magnifique coucher de soleil qui clot la journée.


Coucher de soleil au sud de Husum, près de Tönning.

Selon Paul, la côte qui se dessine devant eux est « pittoresquement découpé[e] ». Ils ancrent au large du petit port, la nuit tombe. Dans son récit de voyage, il n’en dit pas plus.

D’après Alain Doaré qui a fait le même voyage 133 ans plus tard à bord du Saint-Michel II, une réplique du Saint-Michel III de Jules Verne, « on peut imaginer que le port n’a pas beaucoup changé. »

Pour commencer, il y a le Kanalpackhaus, ce long bâtiment en brique rouge et aux volets en bois peint qui trône le long des quais depuis 1783. En tout, 77 m de long sur 14 m de large. Cet immense entrepôt a été construit en même temps que le Canal de l’Eider pour stocker les marchandises avant qu’elles soient acheminées en direction des Iles Britanniques et de la Hollande. Il a d’ailleurs un frère jumeau au port de Holtenau, sur la Baltique. En effet, c’est à cet endroit, tout près de Kiel, qu’aboutit le Canal depuis presque cent ans.

Autour du Kanalpackhaus, des grues montent les sacs dans les greniers ou les redescendent pour qu’ils continuent leur voyage. Un port encore assez dynamique même si la construction du futur Canal de Kiel commence à lui faire de l’ombre. A Tönning, on craint pour l’avenir.



Ensuite, il y a le Skipperhuset qui a servi d’hôtel assez longtemps avant qu’une école des pilotes n’y soit créée. Dans le petit clocher, l’assurance-vie des habitants de Tönning est sur le qui-vive. La cloche est prête à sonner en cas de danger et le danger, c’est la mer qui inonde les terres sur des kilomètres quand elle est démontée car ici, la côte est plate comme une huître et sans grande défense. Régulièrement, il y a péril en la demeure mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il fait beau.



Il y a aussi le petit chantier de construction navale tout en bois et les quais où les bâteaux de pêche et de marchandises sont amarrés. Comme Husum, Tönning est connu pour la pêche à la crevette.



Et pour finir, il y a l’embouchure de l’Eider, son chenal qui serpente dans la vase à marée basse. Et tout cette vase qui rend la navigation si délicate et si aventureuse.

Mais les frères Verne arrivent sans problèmes dans le port le lendemain matin. Il est tôt et partons du principe que les deux frères apprécient la beauté du cadre, le soleil engourdi qui se hisse doucement au-dessus des bancs de brume. Cependant, ils sont préoccupés par leur nouvelle trajectoire qui semble compromise.

Partis de Nantes en direction des pays scandinaves, ils veulent traverser les terres avec leur yacht à vapeur. C’est du moins ce qu’on leur a conseillé de faire. Il s’agit de remonter le cours de l’Eider jusqu’à la petite ville de Rendsburg où commence le Canal à proprement parler.

De bon matin, les voilà donc dans le port à faire le plein de charbon et à se mettre en quête d’un pilote pour « passer les écluses ». A Hambourg, on leur a assuré que le Saint-Michel pourrait aller jusqu’à Kiel par ce raccourci mais maintenant qu’ils sont sur place, ils doutent. Le Saint-Michel est trop long, c’est une évidence. Ils ne pourront jamais le manœuvrer dans les méandres de la rivière et surtout aucune possibilité de passer dans les écluses. Un casse-tête franco-allemand.

Paul et Jules finissent par trouver une solution. Il coupent tout simplement le « nez du Saint-Michel ».

C’est alors que commence leur voyage enchanteur à travers le Schleswig-Holstein. Même si Jules n’est pas un ami de la Prusse, il est subjugué par la végétation qu’il traverse et Alain Doaré estime que même « si la rivière est plus large qu’à l’époque de Jules Verne, en revanche, la faune et la flore demeurent extraordinaires, très riches. » Mais ça, c’est une autre histoire, l’histoire d’un canal perdu aujourd’hui. Le sujet d’un autre article….



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Liens et sources utiles

La photo historique du port de Tönning publiée ci-dessus date des années 1950 et se trouve sur un panneau près du port.