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De profundis — le lac de Hemmelsdorf

Nous voici dans la région de Lübeck.

A quelques kilomètres des grandes stations balnéaires qui s’alignent le long de la mer Baltique avec leurs structures touristiques, il existe un lac qui vaut une petite visite. Pas forcément parce qu’il bat un record national. Pas forcément parce qu’à plusieurs reprises, il faillit devenir un grand port militaire — lorsque Napoléon occupa la région par exemple — mais plutôt parce que le lac de Hemmelsdorf, qu’on appelle le Hemmelsdorfer See en allemand, offre des panoramas charmants.

Je vous propose un petit tour à quelques kilomètres des côtes, juste à côté deTimmendorfer Strand, avec une pause pleine de romantisme (et de saveurs peut-être) ainsi qu’une promenade jusqu’à la tour Hermann Löns qui s’élève douze mètres au-dessus du sol. Une promenade qui se combine très bien avec la visite du port de Niendorf.


Le port de Niendorf (Timmendorfer Strand) se trouve à deux kilomètres du lac de Hemmelsdorf.

Touristiquement parlant, la région de Lübeck est à la mer Baltique ce que Sylt est à la mer du Nord : un haut lieu de villégiature, le number one sur la liste des hotspots du Schleswig-Holstein.

Commençons par la côte.

Travemünde, Timmendorfer Strand et Scharbeutz sont trois villes balnéaires situées au nord de la rivière de la Trave. Très populaires, elles accueillent tous les ans un grand nombre de visiteurs en majorité allemands qui viennent pour le plaisir de la plage, mais aussi pour profiter de la ville de Lübeck.

Avec son centre-ville de style gothique, Lübeck fait partie du patrimoine culturel mondial. La ville de Lübeck est située au bord de la Trave et dans les terres, à une vingtaine de kilomètres des plages.


Travemünde

Evidemment, le fait que la côte soit joliment dessinée a contribué à l’engouement touristique général, mais la proximité de Hambourg a certainement joué aussi un rôle important dans le développement de ces villes côtières à partir du XIXe siècle. Aujourd’hui, qui n’a pas peur du monde et aime les côtes aménagées, y trouvera tout le confort des stations balnéaires.

Un de mes endroits préférés : le port de Niendorf qui appartient à la commune de Timmendorfer Strand et qui est considéré comme l’un des plus mignons de cette côte.

Dirigeons-nous maintenant vers les terres.

En l’occurrence, allons voir un lac qui scintille à quelques kilomètres de la mer. Comme j’évite de me rendre sur cette côte pendant la haute saison, je ne saurais dire si le village de Hemmelsdorf et son lac sont très fréquentés en été, mais je pars du principe qu’il y a du passage car l’endroit est ravissant et permet de s’évader un peu des bains de foule.

En une image, voici ce qui vous attend :


L’idylle de Hemmelsdorf

Le lac de Hemmelsdorf, ancien fjord de la Baltique, est connu pour deux raisons.

Tout d’abord, c’est dans la partie sud du lac que se trouve la crypto-dépression la plus profonde d’Allemagne. Alors qu’au nord, près de Niendorf, l’eau n’est pas très profonde — quatre mètres en moyenne —, vers le sud, ses pentes étonnament raides descendent jusqu’à 40 mètres en dessous du niveau de la Baltique. C’est donc grâce à sa profondeur que le lac détient un palmarès même s’il se partage le titre avec la petite commune de Wilstermarsch (Basse-Saxe) qui, forte d’un creux topographique qui descend à 3,54 mètres en négatif, réclame le titre de la dépression (terrestre) la plus basse d’Allemagne.


Le lac de Hemmelsdorf au mois de novembre. Dans sa partie sud, il descend jusqu’à 40 mètres de profondeur.

Dans le passé, le lac a fait parler de lui à deux reprises.

La première fois, c’était au début du XIXe siècle. Depuis qu’un glacier l’avait formé sur son passage et que son embouchure avait été ensablée par les courants, il vivait des jours tranquilles au bord de la mer, relié à la Baltique par une rivière d’un peu plus d’un kilomètre. Les habitants des environs profitaient de ses eaux poissonneuses pour remplir leurs assiettes. Pas plus. Or, Napoléon et ses troupes s’étant emparés de la région, on décida de cartographier les zones littorales de la « baye de Lübeck » qui était devenue une partie de l’Empire.


L’îlot artificiel qui se trouve près de la pêcherie permet aux oiseaux de nidifier à l’abri des prédateurs.

C’est un certain Charles François Beautemps-Beaupré, ingénieur hydrographe français et père de l’hydrographie moderne, qui fut chargé de cette tâche entre 1811 et 1813. Son travail comprenait le mesurage de l’anse de « Niendorff » ainsi que celui du lac de « Himmelsdorff ».


Histoires de cartes

Pas étonnant qu’aujourd’hui encore, on admire le travail de Charles-François Beautemps-Beaupré. Jetons un coup d’œil sur une de ses cartes, apprécions le soin apporté aux détails, l’exactitude des relevés et l’élégance du dessin et de la gravure — la carte n°18, le « plan de la baie de Lübeck » publié en 1815.

En haut, deux images oblongues représentant les ports de Travemünde et de Neustadt avec leurs clochers et leurs infrastructures portuaires proposent un repère visuel aux navigateurs tandis qu’en bas, un plan détaillé permet de mieux comprendre l’entrée de la Trave — un effet de zoom pour ainsi dire.

Sur le plan de l’anse de Lübeck, une multitude de chiffres fourmille au bord des côtes, indiquant la profondeur de l’eau dans la zone littorale. Tous ces relevés des fonds marins qui s’alignent, zigzaguent et s’entrecroisent témoignent de l’immense travail effectué par l’hydrographe.

On lit aussi des noms — Falaise de Brodten, Anse de Niendorff, Travemünde — et des mots — barrage, phare, pierres, vase couverte de sable fin — tandis que sur la terre ferme, un liseré de paysage se dessine en parallèle des côtes. On y trouve des falaises hachurées avec minutie et des carrés de lignes parallèles représentant des champs et des cultures. Des rectangles noirs symbolisent les bâtiments agricoles et les fermes. Ici et là, des allées d’arbres ainsi que des forêts sortent du plan, comme en relief. Petit effet de pop-up traversé par des traits fins indiquant les cours d’eau qui se jettent dans la mer, entrecoupés de petits ponts et de routes côtières.

Tout ce savant mélange de 2D et de 3D permet de lire le paysage, le littoral surtout. Et au milieu, il y a notre lac : le « Himmelsdorffer See ». Evidemment, les mesures ne sont plus d’actualité. En 2007, une équipe de scientifiques de l’université de Hambourg a mesuré le lac d’Hemmelsdorf à l’aide d’appareils modernes. Un chiffre et une forme à retenir : 39,5 m tout en bas d’un entonnoir.


Sur sa carte, le lac de Hemmelsdorf contient plus de 80 repères qui vont de 2 à 125 pieds, les nombres les plus élevés se trouvant dans la partie méridionale du lac, au sud d’un petit îlot appelé « l’île aux mouettes ».



Au nord, l’Aalbeek communique avec la mer et c’est justement à ce petit cours d’eau que l’empereur français s’intéressa. Son intention était de transformer l’Aalbeek en canal et de faire du lac un énorme port militaire. Le projet ne vit jamais le jour mais s’il avait été réalisé, il aurait fait partie d’un chantier bien plus important puisque Napoléon pensait également construire un canal entre Paris et la mer Baltique en passant par l’Elbe et Lübeck.



Sous le régime hitlérien, on s’intéressa à nouveau à la profondeur du lac. Il fut question d’y créer un port sous-marin. Au final, le projet ne vit pas le jour non plus, mais quoi qu’il en soit, on utilisa le lac comme piste d’amerrissage pendant la guerre.


Quelques mots sur Niendorf

Autour de 1900, à Niendorf, l’entrée de l’Aalbeek finit par recevoir un petit port de pêche qui, aujourd’hui, attire les touristes.

Le lac de Hemmelsdorf peut s’enorgueillir d’avoir plusieurs points de chute intéressants dont le « Fischereihof de Hemmelsdorf ». On y trouve un tout petit port construit sur l’eau, un joli système de pontons et de platelages qui créent une boucle et mènent à un poste d’observation sur pilotis.



En arrivant au bord de l’eau, vous tomberez sur un ensemble de chaumières rustiques, quatre en tout, qui invitent à rester un peu. D’abord, il y a l’infrastructure très cosy, un mélange bois-chaume qui se marie parfaitement avec le panorama idyllique du lac — le chemin ponctué de bancs semble flotter sur l’eau entre les roseaux et les barques.



Parmi les bâtiments, il y a aussi un restaurant, une pêcherie à l’origine. Plusieurs générations de pêcheurs y vendirent leur poisson fumé.



Aujourd’hui, depuis que la commune de Timmendorf a racheté le lieu et l’a restauré en 2012, les nouveaux gérants continuent à fumer le poisson de façon traditionnelle. Quant à la carte du restaurant, elle se veut locale. On peut y manger du poisson, mais aussi des spécialités de chasse. « Life is better at the lake », promettent les gastronomes. En tout cas, l’endroit est très chouette, on s’y sent bien et on y mange bien.


Le second point de chute se trouve au nord du lac, dans une forêt humide traversée par des sentiers de randonnée. Il s’agit d’une tour en bois érigée en 1985. Du haut de ses 12 mètres, vous aurez une vue presque panoramique au-dessus des arbres.

La tour permet, par beau temps, d’admirer la silhouette de Lübeck tandis que le lac de Hemmelsdorf miroite aux premières loges, entouré de forêts et de roseaux.

En partant à pied du port de Niendorf, on peut rejoindre assez rapidement cette partie du lac qui est dominée par le « Hermann-Löns-Blick », du nom d’un journaliste et écrivain d’Allemagne du Nord. Il paraît que Hermann Löns (1866-1914), écrivain passionné des paysages de landes, passa quelques vacances dans la région. C’est certainement pour cette raison que la tour a été nommée ainsi.


Entre la ville hanséatique de Lübeck et Neustadt, il y a de belles choses à découvrir sur la côte. Voici quelques idées :