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Bird watching à Beltringharder Koog

Quand je pense à la mer du Nord, j’imagine une série de lignes horizontales sous l’immensité d’une voute céleste.

Je pense à la marée haute et à son eau salée qui s’étale devant moi, jusqu’à l’infini de l’horizon. Je pense à la marée basse et à ses larges étendues de vase molle drainées par des chenaux. Aux paysages ras des prés-salés se mêlent les petits cris aigus des oiseaux de mer cachés entre les herbes, à la placidité des huitriers pies qui enfoncent leur bec rouge dans la vase des canaux s’unissent les ballets aériens que les oiseaux improvisent au-dessus des marais. Je vois les digues recouvertes d’herbe et les moutons. Je vois des barrières en métal qui séparent les troupeaux et des routes goudronnées parsemées de crottes et d’algues sèches. Entre tous les tons verts ternis par la vase, je distingue des touffes de rouille et des éclaboussures blanches et violacées — une mosaïque de bosquets nains et de fleurs éphémères. Sans compter le bleu du ciel qui fait chavirer les cœurs.



Dans ce paysage côtier particulièrement ouvert — un monde horizontal qui s’effile et s’étend sans fin —, le vélo est certainement le moyen de locomotion le plus adapté. Je vous invite donc à emprunter l’EuroVeloroute 12 qu’on appelle aussi la North-Sea-Cycle-Route (NSCR). Nous ne ferons qu’une vingtaine de kilomètres. Ce n’est pas grand-chose par rapport aux 7250 km de route cyclable, mais ce sera assez pour se rendre compte de la beauté du paysage qui s’est créé en l’espace de 4o ans au nord de Husum, entre la presqu’île de Nordstrand et l’île de Sylt. Partons à la découverte du Beltringharder Koog, la plus grande réserve naturelle du Schleswig-Holstein.


Le Beltringharder Koog, un espace artificiel créé entre 1982 et 1987, s’étend sur 3350 hectares dans le parc national de la mer des Wadden. Il contient le plus grand lac de la Frise du Nord et un des plus grands lacs du Schleswig-Holstein (555 hectares) : une « lagune » d’eau salée qui se trouve au bord de la mer et qui en est séparée par une digue enherbée.


Voici comment s’imaginer la route cyclable : d’un côté de la digue, la mer du Nord et ses étendues de vase.
De l’autre côté, il y a une étendue d’eau salée qui s’étend sur 555 hectares. S’y ajoutent des prés-salés qui se sont implantés autour du lac.
Sur la digue, vous rencontrerez les inconditionnels moutons qui broutent ou ruminent. Ici, ils se partagent la route avec nous.

La création de cet immense polder s’avéra mouvementée, car riche en controverses. Elle remonte aux années 1980. En 1962 et en 19761, de grandes tempêtes s’étaient abattues sur l’Allemagne, endommageant gravement les côtes et faisant maintes victimes et beaucoup de dégâts. Par la suite, dans le cadre de mesures de protection côtière, on décida d’endiguer la baie de Nordstrand. Les travaux, accompagnés de manifestations, de pourparlers, de procès et d’interruptions, furent achevés en 1987.


La lagune d’eau salée au mois d’octobre. Au loin, on peut distinguer le continent et le cordon qui mène vers l’île de Nordstrand.
Hormis un pastoralisme extensif, pas d’agriculture ici. C’est le résultat d’un compromis.

Depuis la construction de la digue, l’île de Nordstrand est reliée au continent. Ce nouvel espace — le Beltringharder Koog — dont le nom rappelle un territoire dévasté et recouvert par la mer en 1634, a été déclaré site protégé en 1991. De ce fait et suite à un compromis qui alliait la nécessité de protéger la côte et le souci de recréer un écosystème de compensation2, toute construction fut interdite sur cette nouvelle terre gagnée à la mer. Dans la même logique, il n’y a pas de cultures non plus, même si certaines zones poldérisées accueillent une agriculture extensive.



En tout, trois grands nouveaux biotopes se sont créés. A côté des lacs et des terrains gorgés d’eau salée et saumâtre, on rencontre des prairies humides et même un bassin d’eau douce. La rivière de l’Arlau coule dans ce « Becken » avant de se jeter dans la mer, d’où son appellation « Bassin de l’Arlau ».

Le grand lac du Beltringharder Koog qui représente le cœur de la réserve naturelle est alimenté par un système de vannes qui suivent les marées. L’hiver, on provoque des inondations contrôlées afin de préserver les prés-salés.


Au niveau de Lüttmoorsiel, une voie ferroviaire mène à l’îlot de Nordstrandischmoor.
La « Lore » est uniquement destinée aux habitants de l’île.
Au premier plan, la voie ferroviaire. En arrière-plan, les terps de Nordstrandischmoor et leurs maisons. Entre les deux, trois kilomètres de vase…
De cette perspective, on se rend compte que l’îlot est assez éloigné de la côte.

Un autre lac plus petit, le Lüttmoorsee, accueille lui aussi une grande variété d’animaux. Une route rectiligne sert de jonction entre la digue et l’ancien continent. Elle sépare le Lüttmoorsee de la lagune.


Le Lüttmoorsee fait partie des lacs du polder. Il a une superficie de 275 hectares.
Un rapace vient de survoler le Lüttmoorsee. En quelques secondes, des centaines d’oiseaux passent au-dessus de nos têtes et se réfugient dans la lagune.

S’y ajoutent 1300 hectares de succession écologique ainsi qu’un bassin d’eau douce dans la partie sud du polder, près de l’île de Nordstrand.


A cet endroit, on peut faire une pause dans un petit restaurant. Nous sommes entre le bassin de l’Arlau et la lagune.
Le sud du polder est caractérisé par un ensemble de canaux, de prairies humides et d’étendues d’eau comme le Holmer See.
Ici aussi, à l’entrée de Nordstrand, on trouve des moutons.

D’après les comptages réguliers, tout ce néosol accueille plus de 100 000 oiseaux par an et sert de zone de repos et de nichage. Voici quelques figures de style prises au hasard des murmurations :

Qui veut en savoir plus sur l’historique de ce nouvel écosystème et veut se renseigner sur la faune et la flore du Beltringharder Koog, peut rendre visite au centre d’information qui se trouve à Lüttmoorsiel depuis 2021. La visite de l’exposition est gratuite.



Si vous préférez pédaler côté mer (attention, il y a plus de vent), évidemment, vous verrez aussi de nombreux oiseaux qui picorent dans la vase ou qui volent au-dessus des étendues.

Les « Halligen », Nordstrandischmoor notamment, sont réputées pour leurs conditions de vie favorables aux oiseaux migrateurs. Ils viennent s’y reposer ou nicher en grandes quantités.

Vous êtes curieux de voir à quoi ressemble cet îlot de plus près ? Alors, lisez l’article que j’ai écrit sur cette Hallig. L’article sur l’îlot de Hambourg vous intéressera peut-être également. La « Hamburger Hallig » se trouve au nord du Beltringharder Koog. Nous y sommes presque.



Surtout, pour vraiment apprécier le spectacle , emportez de bonnes jumelles ou — autre solution —, participez à une sortie nature guidée. C’est possible sur réservation (organisé par le centre d’information).


Histoire de côtes

Depuis sa création, la côte de la mer du Nord a beaucoup changé. Grâce aux manuscrits historiques, on sait par exemple que deux grandes tempêtes — les grandes Mandränke — ont entrainé des inondations d’ordre majeur dans la région de Nordstrand en 1362 et en 1634.

Elles sont à l’origine de la disparition de terres habitées par l’homme, de Rungholt et de toute une partie de l’île de Nordstrand entre autres. En effet, à cet endroit, après que la mer ait envahi les villages et les cultures, le sol se morcela, s’écroula, se dissolut pour devenir une partie de ce qu’on appelle le Wattenmeer, la mer des Wadden. C’est dans ce contexte que Beltringharde disparut presque complétement de la carte du jour au lendemain. La Hamburger Hallig et Nordstrandischmoor, deux petites îles ultraplates situées au bord des côtes, sont les restes de cette contrée d’autrefois.

Parallèlement, les habitants de la mer du Nord procèdent à l’assèchement et au drainage des zones littorales depuis des siècles, ce qui permet la création de polders ou de « Köge » comme on appelle en allemand des territoires endigués gagnés sur la mer (on parle de « Koog » au singulier, d’où le nom de cette réserve naturelle — le Beltringharder Koog). Presque partout, la côte est composée de digues herbeuses colmatées, de schorre (alld. Schorre), grandes surfaces marécageuses inondées régulièrement par la mer, et de slikke (alld. Schlick), zone vaseuse qui représente le monde le plus horizontal de l’estran.

Le littoral est parsemé de quelques îles qu’on appelle « Hallig » en allemand. Leurs côtes ont été renforcées par des fascines, des rangées de piquets qui retiennent la vase et le sol sablonneux, et les habitations ont été construites sur des tertres artificiels. Aujourd’hui, on sait que ces îlots servent de remparts, de brise-lame à la côte du continent.



Notre tour pourrait continuer encore plus longtemps. On pourrait même aller jusqu’à la Hamburger Hallig qui est reliée au continent, mais les ombres s’allongent et il commence à faire frais. Nous allons donc bifurquer en direction de l’écluse d’Arlau.

De la plateforme en bois qui se trouve le long de la route, les vues qui s’offrent à nous dans les terres sont magnifiques et ici aussi, les oiseaux sont au rendez-vous.


Dernière station. Schobüll est le seul endroit de la côte — avec Sankt Peter-Ording — à ne pas avoir de digue. Ici, les oiseaux sont cachés dans la forêt de roseaux qui poussent au bord de la mer. C’est grâce aux apports en eau douce qui viennent du geest que cette végétation parvient à survivre malgré la forte salinité de l’eau.

C’est d’ici que nous sommes partis et c’est ici que la promenade se termine — devant la baie de Schobüll baignée de soleil. Après 24 kilomètres, nous arrivons à temps pour admirer la fin d’une journée radieuse — derrière, l’île de Nordstrand.

Qui s’intéresse à Schobüll et veut savoir pourquoi il n’y a pas de digue ici, peut lire un article qui lui est dédié.

Dans cet article de Geo, vous trouverez le nom de quelques espèces d’oiseaux qu’on peut observer au Beltringharder Koog.

Vous pouvez aller aussi sur le site des stations de la mer des Wadden.


  1. En Allemagne, la tempête du 3 janvier 1976 a été appelée « Capella-Orkan », en mémoire des victimes d’un caboteur est-allemand qui fit naufrage au large de la Frise néerlandaise. Cette nuit-là, tous les membres du Capella disparurent dans les flots. ↩︎
  2. Avant la création de cet immense polder, une vasière s’étendait à cet endroit, faisant partie de la mer des Wadden, laquelle est inscrite au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO depuis 2009. ↩︎