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Dresde, une question d’hygiène

Un vrai baiser, ce n’est possible qu’avec ODOL ! En tout cas, c’est ce que prétend un slogan publicitaire en 1902. En achetant un de ces jolis petits flacons en porcelaine blanche et au goulot courbé, plus d’haleine de cheval. C’est sûr et certain, c’est écrit noir sur blanc dans TOUS les journaux!

Pourquoi ?

Eh bien parce qu’Odol, le produit que Karl August Lingner et son ami Richard Seifert ont inventé en 1892 contient un antiseptique et des essences d’huile. Donc maintenant, vous comprendrez mieux le mot-valise Odol, inspiré du mot grec odous pour désigner la dent et du latin oleum qui précise que cette eau de bouche contient de l’huile.

Aussi, au début du siècle dernier, étant donné que partout on commence à savoir qu’on tombe malade à cause de petites bactéries, on se met à odoliser en espérant avoir « une haleine sympathique » comme promis sur les affiches et ce, pas seulement en Allemagne.

Pour tout dire, l’entreprise de Lingner située à Dresde met le paquet pour promouvoir sa gamme de produits. A l’époque, elle investit plus d’un million de Reichsmarks dans une campagne publicitaire d’envergure mondiale et engage des artistes dont Puccini qui composera même une ode à Odol. Un marketing très avant-gardiste.


Odol, produit antibactériel pour les soins dentaires, eut un succès fou dans les années 1910. La forme du flacon n’a pas vraiment changé depuis, par contre aujourd’hui, ces flacons sont en plastique (photo : vitrine du musée).

Et il ne s’arrêtera pas aux eaux de bouche. En effet, Lingner sort également le premier dentifrice en tube, Chlorodont, inventé en 1907 par Ottmar Heinsius von Mayenburg. Encore un produit améliorant l’hygiène buccale, encore un succès fulgurant et encore plus d’argent dans la cagnotte de Monsieur Lingner qui devient rapidement multi-millionaire et collectionneur de belles voitures.

Certains, les envieux surtout, le couronnent le « roi de l’Odol ». A l’époque, il passe même pour être l’un des hommes les plus riches de l’Empire. Une vie de château, dans le luxe, avec un zoo privé au bord de l’Elbe même s’il n’en profitera pas si longtemps puisqu’il meurt en 1916 d’un cancer de la langue ce que certains considèrent comme une ironie.

Mais pourquoi Lingner est-il toujours et encore un homme illustre à Dresde, surtout quand on sait que son entreprise n’existe plus mais qu’elle fait partie de nos jours d’un grand groupe implanté à Düsseldorf ?

Le roi de l’Odol et sa campagne d’hygiène

Très tôt, Lingner que les nobles considèrent en général comme un parvenu investit dans des projets sociaux. Il se fait l’apôtre de l’hygiène et de la médecine en créant et en finançant la première clinique de nourrissons du monde, une école de désinfection et un institut d’hygiène dentaire. Surtout, il est à l’origine d’une première mondiale : entre mai et octobre 1911, plus de 5 millions de visiteurs viendront à Dresde pour assister à la Première Exposition Internationale de l’Hygiène. Populaire, spectaculaire, révolutionnaire ! Cette exposition s’adresse non seulement au monde médical mais aussi au peuple. Et c’est ainsi qu’est créé le Deutsche Hygiene-Museum, le musée de l’hygiène de Dresde actuel.

Le musée allemand de l’Hygiène

Fini le temps où les cirques et les foires présentaient aux braves gens les secrets du corps humain sous forme de curiosités de la nature et de spectacles effrayants. Le musée de l’hygiène, le musée le plus fréquenté de la ville aujourd’hui, propose un tour d’horizon sur le monde de la médecine et de l’hygiène de vie. Qu’on s’intéresse à son évolution au fil du temps, aux deux grands thèmes de la médecine qui sont la vie et la mort, aux concepts d’alimentation ou à l’histoire de la sexualité, il y en a pour tout le monde et pour longtemps car il est très grand et très bien conçu, ce musée.

Qui plus est, il a un atout énorme à mes yeux. Comme l’hygiène est un phénomène d’ordre social, à côté de l’exposition « Aventure de l’Homme » et du compartiment réservé aux enfants « Le monde des sens », il propose également des expositions temporaires de haute qualité qui allient toujours le médical au social. Ainsi, jusqu’au 6 janvier 2019 par exemple, on a pu en apprendre plus sur le racisme et son invention. L’approche interdisciplinaire du musée est d’autant plus symbolique que la ville de Dresde est souvent considérée comme un des berceaux actuels de courants nationalistes. Un musée épatant à faire plusieurs fois même si l’audio-guide ne vous propose pas de français.

Bon à savoir

Devant certaines vitrines, vous verrez un sigle prévenant que les photos sont interdites. Si les salles contiennent souvent des modèles en matériaux composites, elles proposent aussi beaucoup de préparations et de clichés issus de corps humains. Par pudeur et par souci d’éthique, le musée n’autorise pas les photos de ces objets.

Liens utiles

Site du musée de l’hygiène de Dresde