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La plage de Falckenstein

Le pied, c’est quand tu es sur ta serviette, les talons plantés dans le sable, les orteils en éventail, que le soleil te tire généreusement sur la peau et qu’une petite brise te procure une délicieuse chair de poule en caressant les lignes horizontales de ton corps.

Tu te sens bien, tu te sens libre. Tu es relax. Tu as ton petit lopin de sable, ton petit coin de paradis fait de pelles, d’huile solaire et de petits gâteaux secs. Sur le côté, les tongs sont en vrac, le sable a envahi ta serviette et c’est bien comme ça. Les yeux fermés, dans un demi-sommeil, tu entends les enfants jouer, les parents papoter et les herbes des dunes susurrer. Tu te relèves lascivement, tu regardes les vaguelettes et leur doux ressac. Tiens, un gros bateau qui passe dans le chenal… Tu lis Color Line. Plus loin, au large, il y a des voiliers. Tu humes une odeur de graisse. Quelqu’un mange des frites pas très loin. Et ça sent aussi le barbecue. Des étudiants sûrement ou un jeune couple. Ici et là, une palanquée de mouettes se promène à la recherche d’un sac sans défense. La plupart des visiteurs est arrivée en voiture mais on ne les voit pas car elles sont garées derrière la digue ou dans la forêt. D’autres ont pris la navette qui fait des zigzags dans le fjord de Kiel toute la journée : la ligne F1 qui s’arrête régulièrement au ponton de Falckenstein à partir du mois de mai. Juste quelques minutes avant de repartir vers Laboe, de l’autre côté.

Tout ça, c’est l’été, c’est Falckenstein et c’est le pied.


Un pique-assiette des plus rapaces !

Et puis, il y a les journées d’hiver. Qu’elles sont longues, celles-là ! Celles où tu regardes par la fenêtre et où tu te dis qu’il va falloir se forcer à sortir pour prendre l’air. Qu’aujourd’hui, il ne pleut pas et que c’est déjà ça de pris. Que tu essayes de te motiver et que tu sais qu’il va falloir mettre ton écharpe, tes gants et ton bonnet mais que tu auras quand même froid au nez. Et que pour dire la vérité, tu n’as qu’une hâte : Qu’ils reviennent, les beaux jours, bon sang ! Que le vent s’arrête de souffler, que la pluie arrête de dégouliner. Au mieux, un petit coup de baguette magique… Mais, c’est le mois de mars. La nature se repose dans un camaïeu de gris, le ciel, pâlot, dit « niet » à la couleur et tout ça rend ton âme un tantinet morose. Alors, tu te dis qu’un petit tour à la plage, c’est une valeur sûre car comme le précise le Larousse, le mot « plage » est féminin mais en fait, il faudrait ajouter à la définition un mot primordial :

Oui, invariable car la plage est fidèle à elle-même, quelle que soit la saison. Un éternel mélange de sable, de galets et d’eau. Pas de vert, cette couleur instable qui va et vient au fil de l’année. C’est pour cette raison que tu ne vas pas dans une forêt fantôme ni dans un parc dénudé mais ici, à la plage de Falckenstein, à l’endroit où le fjord de Kiel est le plus étroit.

Et malgré les grandes bourrasques qui balayent la plage et qui font valser les grains de sable autour de toi, malgré le froid qui glace tes cuisses, malgré les bancs de nuages qui se chamaillent avec le soleil, il y a du monde partout entre la falaise de Schilksee et la pointe sud de Falckenstein. Les promeneurs du dimanche sont de sortie. Emmitouflés, ils se baladent en amoureux, entre copains ou en famille, ils promènent leurs chiens ou leurs poneys.


Un ballet de mouettes. Au fond, sur la rive est, Laboe et ses kitesurfers.

Et toi ? Tu fais pareil. Ton objectif ? Voir la mer, ramasser un ou deux coquillages et aller jusqu’à la terrasse du café-restaurant appelé La Perle de la Digue, la fameuse Deichperle. Evidemment, là-bas, il faudra te prendre une couverture pour te réchauffer un peu et un café, un thé ou un vin chaud. Ou peut-être même une bonne petite soupe faite maison. Ou un hamburger du chef. Et si tu as trop froid, tu sais que tu peux aller te réfugier près du feu, dans l’ancienne maison du passeur. Alors, du haut de la digue, dans ton petit coin de paradis, tu regardes la mer et ses vagues, les enfants vagabondent entre les herbes des dunes. Pour quelques secondes, tu fermes les yeux et tu écoutes le gentil brouhaha des passants qui papotent. Tu te sens relax, tu te sens libre. Tu es bien.



Et si tu n’as pas encore flâné à côté du phare de Falckenstein à l’aller, tu auras envie de le faire au plus tard après cette petite pause. Pas forcément pour le voir, ce phare. Somme toute, il est plus joli de loin que de près. En fait, tu y vas car aujourd’hui, c’est là que se joue le spectacle des « Aquamen ». De loin, tu les as déjà vus glisser sur l’eau et s’élever dans les airs. Maintenant que tu es plus près, tu peux mieux admirer leur vitesse, tu suis avec attention leurs pirouettes, tu vibres avec eux lorsqu’ils se rapprochent dangereusement d’un paquebot. Tu te demandes qui est le plus agile, le plus rapide et le plus téméraire. Tu te poses une question : Comment ces kitesurfeurs font-ils pour ne pas s’empêtrer dans leurs lignes ? Un mystère fascinant, une choréographie du moment, improvisée, qui fait rêver.



Et c’est là que tu te félicites d’avoir mis le nez dehors malgré tout ton attirail qui t’engonce, le vent froid qui te tire la peau et le soleil trop timide qui te donne la chaire de poule. Et tu te rends compte d’une chose :

Tout ça, c’est l’hiver, c’est Falckenstein et c’est le pied.

Pour en savoir plus

Falckenstein, une plage pour tous

Sur les 17 kilomètres de côtes qui longent le fjord de Kiel, la plage de Falckenstein* tient une place privilégiée. Elle est non seulement la plus grande plage de Kiel (1,8 km) mais aussi la préférée de ses habitants, du moins en ce concerne les plages situées sur la rive ouest. Nous sommes ici à quelques kilomètres au nord du Canal de Kiel et à l’endroit le plus étroit du fjord.

De la plage de Falckenstein qui se trouve encore à l’intérieur du fjord, on peut admirer une bonne partie de la rive est mais aussi les gros paquebots qui utilisent le canal de Kiel et les ferrys qui naviguent entre l’Allemagne et la Scandinavie et passent dans le chenal, juste à côté de la plage, pour aller vers la pleine mer. Sans compter tous les voiliers qui sont sur l’eau dès que la météo le permet.



Falckenstein profite également de l’érosion de la falaise de Schilksee car elle est régulièrement approvisionnée en sable. Tout bon pour les châteaux ! Vers Schilksee, on trouve plus de galets, de silex et de pierres par terre. Ils sont là depuis le temps où les glaciers scandinaves les y ont déposés.


De la terrasse de la Deichperle, on a un beau panorama sur le fjord de Kiel.


La partie située entre la falaise de Schilksee et les dunes de Falckenstein est une zone protégée et on remarque déjà les fruits d’une renaturation douce. Comme sur le littoral à l’est de Kiel, les plantes typiques des dunes regagnent du terrain et des micro-lagunes se forment dans les terres, donnant une nouvelle dynamique écologique à la plage de Falckenstein.

L’été, on se partage le littoral avec les mouettes et les oies du coin ce qui fait assez nature mais parfois aussi un peu cracra. Un exemple — Dans une même grande flaque d’eau, il est possible de voir barboter des petits blondinets au milieu d’un groupe d’oiseaux marins. Il faut donc juste espérer que tout le monde s’est bien lavé les fesses avant et qu’il n’y a jamais d’accident de parcours… Je préfère la vraie mer.

*Le nom de cette plage, Falckenstein, vient du général Eduard Vogel von Falckenstein. Qui veut en savoir plus sur ce gouverneur militaire des côtes d’Allemagne, peut lire l’article qui lui est dédié sur wikipedia.

Le phare de Friedrichsort

Le phare vert et blanc qui se trouve aujourd’hui au milieu du fjord de Kiel est en fait le second en date. En effet, un premier phare y avait été construit en 1878 mais comme il était devenu trop petit et surtout pas assez visible, on décida de le remplacer dans les années 1960. Construit juste à côté de l’ancienne tour, le nouveau phare fut mis en activité en 1971. L’ancien fut démonté deux ans plus tard, son chapeau métallique se trouve aujourd’hui dans la zone piétonne de Friedrichsort et continue à éclairer le passage.


Comme je disais : Plus beau de loin que de près. Mais quand le soleil se couche, il est hyper romantique !

L’ancienne forteresse de Friedrichsort

Derrière la digue, à quelques mètres de la « Deichperle« , vous verrez les restes d’une ancienne forteresse. Il s’agit là de la citadelle de Friedrichsort qui fut construite par le roi du Danemark* pendant la Guerre de Trente ans. Même si à l’origine, elle avait été bâtie là afin de défendre le fjord et la ville de Kiel de potentiels assaillants, trois ans plus tard (en 1634 pour être exact), elle avait déjà été assiégée et démantelée par l’armée Suédoise. Laissée ensuite à l’abandon, elle fut reconstruite entre 1663 et 1667 sous le roi danois Frédéric III (d’où le nom de Friedrichsort). Finalement, les étages supérieurs furent détruits pendant la seconde guerre mondiale. Cependant, comme les casemates et les souterrains avaient été conservés, la forteresse servit d’asile aux réfugiés au lendemain de la guerre. En tout, il paraît qu’il y a encore 80 pièces et 6500 m2 de surface car l’armée prussienne avait agrandi le fort pour y fabriquer du matériel militaire.

En théorie, il est possible de la visiter de temps en temps mais je n’ai pas encore eu de succès. Je sais simplement qu’une fabrique de bière locale s’y est installée.

*A l’époque, on l’appelait la Festung Christianspries en l’honneur du roi danois Christian IV qui l’avait fait construire.

L’église de garnison de Friedrichsort

Un peu plus loin, à Friedrichsort, il y a une belle église de garnison prussienne à voir, la « Bethlehem-Kirche » qu’on appelle souvent tout simplement « l’église en bois ». Construite en 1875 lorsque Kiel devint port impérial, elle est le seul bâtiment religieux en bois bâti après 1870 dans la région. Une exception dans le Schleswig-Holstein et une église classée historique pour ainsi dire !

Jusqu’en 1945, elle accueillit les soldats de la marine qui représentèrent longtemps la majorité des habitants de Friedrichsort. Autre fait étrange : Elle n’est pas orientée vers l’Est.



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