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Marchez contre les préjugés … dans le parc d’Aukrug

On dit de Neumünster qu’il ne présente aucun intérêt. Qu’il est prolétaire, cra-cra, moche. Et pourtant, cette ville située à mi-chemin entre Kiel et Hambourg peut s’enorgueillir d’avoir de très beaux paysages dans les environs.

Juste devant ses portes, elle a d’abord une des plus jolies tourbières du Nord, le Dosenmoor, et à l’ouest, il y a Aukrug, un parc naturel de toute beauté. Un parc forestier où les biquettes ont un petit coin de montagne, où un grand tapis de bruyères dévale des versants pour aller chatouiller les pieds de quelques conifères, où les pommes de pin tombent sur du sable blanc en faisant un tout petit « ploc » presque inaudible et où les papillons et les libellules sont parfois les plus bruyants. Chouette quoi !


Au bord des étangs de Waldhütten, c’est comme si tous les papillons de la région s’étaient donné rendez-vous. Ici, un magnifique paon du jour en pleine discussion amoureuse avec un chardon des champs.

Cet été, en quête de dépaysement, j’ai choisi le parc d’Aukrug comme refuge d’un jour et j’y ai passé quelques heures délicieuses. Cette randonnée m’a fait découvrir le sommet du Boxberg (77 m) et une partie de la forêt d’Aukrug. J’ai même fait un petit bout de route sur un ancien chemin utilisé autrefois par les marchands et les paysans pour aller de la Baltique à la mer du Nord. Un des points forts ? Un joli collier de perles bleutées, toute une succession d’étangs perdus entre les arbres, du côté de Waldhütten. Tout le long de ma route*, dans un gentil murmure, la forêt m’a expliqué que nous avions souvent trop de préjugés. En somme, assez d’arguments pour que je vous y emmène de ce pas.

*Entre deux, il faut traverser une départementale assez bruyante. Mais très rapidement, ça se calme à nouveau.

Le Boxberg, ses chèvres et sa lande

La balade commence au pied d’une petite montagne qu’on appelle le Boxberg. Sincèrement, je suis persuadée qu’en entendant ce nom, la plupart des Allemands de moins de quarante ans pensent automatiquement à Bibi Blocksberg, une petite sorcière qui passe régulièrement à la télé depuis les années 1980. Bibi, c’est comme Maja l’Abeille ou Nils Holgersson. Tout le monde connaît ici. Les plus âgés par contre penseront au Brocken, point culminant dans le massif du Harz qu’on appelle également Blocksberg. Cependant, rien à voir.

En fait, le Boxberg qui est à 77 mètres d’ « altitude » a beau être assez dénudé aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas. Une photo tirée en 1900 montre un sommet singulièrement lunaire et même dans les années d’après-guerre, on trouve de belles photographies en noir et blanc où des gens dévalent le Boxberg en luge. Dans ce paysage de neige, pas vraiment d’arbres non plus ! Par contre, si quelqu’un avait fait un croquis de ce sommet il y a quelques siècles, il aurait montré que le Boxberg était recouvert d’une forêt dense auparavant. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu son nom car Boxberg vient de l’ancien allemand ‘Booksberg’, donc il s’agit de la « montagne des hêtres » (‘Buche’ signifiant hêtre). Avide de bois, l’industrie du XIXe siècle contribua en bonne partie à la déforestation de cette grande surface boisée. Par chance, la nature est vivace et même si elle ne se refait jamais comme on l’a connue, dans le cas du Boxberg, elle y a créé un nouveau paysage qui ne demande plus qu’à pousser en toute tranquillité.


Ce n’est vraiment pas le Puy de Sancy ni le Blocksberg mais à quelques mètres du sommet, il y a peu d’arbres et beaucoup d’herbes.
Le sol sablonneux a été propice au développement d’une lande protégée de nos jours.
Les sept hectares de lande sont composés principalement de bruyère et de myrtilles. Ce tapis est ponctué de pins, de bouleaux et de conifères.

Heureusement, les organismes de protection de la nature ainsi que la fondation responsable du parc naturel font tout pour. Donc, quand vous monterez vers le sommet, la première chose que vous verrez, ce sont 7 à 8 hectares de lande. Des deux côtés d’un sentier de sable blanc, vous verrez des belles bruyères aux teintes rosées. Un tapis de baies violacées s’étend devant vous (si vous venez comme moi en été). Quelques conifères et des pins joliment bancals permettent aux troupeaux de chèvres de trouver un coin d’ombre quand elles ne font pas le ménage dans les herbes sèches. Tout en haut, trois ou quatre grosses pierres de granit et quelques bancs vous inviteront à vous poser un peu même si l’ascension n’est pas si difficile que ça. Histoire d’admirer le panorama, de lire le texte sur l’ammophila, une petite guêpe toute fine qui adore le sable, et de humer le parfum des biquettes !



En route vers le « petit Paris »

Après avoir fait un petit tour dans la lande à la recherche d’un encas (vous verrez que vous n’êtes pas les seuls à cueillir des myrtilles et que personne ne vous regardera méchamment), vous pouvez continuer votre chemin. Au niveau d’une petite hutte, entrons dans la forêt qui est composée de feuillus et de pins. Le sol sablonneux ainsi que les herbes vert clair donnent une douceur enchanteresse à la forêt.



Au fait, le chemin que vous prendrez (celui de droite) est un parcours de santé si bien que vous pourrez essayer les installations si bon vous semble. Sincèrement, j’ai évité par mesure d’hygiène mais soyons optimiste ! Ce n’est qu’une question de temps avant que nous puissions à nouveau vivre en paix avec les virus de nos concitoyens. En cours de route, vous apprendrez en tout cas pourquoi certains habitants d’Aukrug surnomment l’endroit Klein Paris.

Comme partout où une crise est source de malheur et de privations, le peuple, la jeunesse surtout, a envie de faire la fête pour former un contrepoids. Regardez un peu ce qui se passe dans les pays touchés par la covid en ce moment et vous me comprendrez. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Paris ouvrit ses caves à Saint-Germain, Aukrug, lui, misa sur ses hauteurs. A partir de 1949, on se passa le mot. Au Boxberg qui n’était pas encore reboisé, on pouvait danser la samba et le tango en toute illégalité. Dans une petite cabane en bois, on pouvait même siroter un bon petit verre – il y avait un zinc – en écoutant de la musique yéyé … jusqu’à ce que les autorités viennent mettre fin au « petit Paris » en 1954.

La Lübsche Trade

Mine de rien, en marchant dans cette forêt pleine de petits sentiers, vous descendrez du Boxberg vers une route qui vous semblera de plus en plus bruyante. Au pire, si vous vous perdez un peu, vous pouvez vous orienter à l’ouïe. La circulation que vous percevrez provient de la B430, une nationale qu’il faut traverser au niveau de la Lübsche Trade.



Vous saurez que vous êtes sur le bon chemin si vous voyez une grosse pierre commémorative rectangulaire (pas très jolie mais bon). Voici ses coordonnées exactes : 54° 4′ 1,6″ N, 9° 44′ 17,2″ O. Elle se trouve à l’entrée d’une grande route forestière et vous explique que la Lübsche Trade est une vieille voie de commerce qui va de Lübeck à Tondern (au Danemark aujourd’hui) et qu’elle fut utilisée à partir de 1150. A partir de là, il faudra attendre à nouveau un peu avant de retrouver des sentiers intimistes. Des deux côtés, les talus prouvent que la voie existe depuis longtemps. On marche sur un chemin large au sol moins sablonneux. Par contre, on trouve de plus en plus de trous d’eau marécageux entre les arbres et des forêts de fougères.


C’est ici que la Lübsche Trade redevient romantique. Nous sommes au niveau du premier étang.

Un peu d’histoire

La Lübsche Trade qui signifie « chemin de Lübeck » en moyen haut allemand eut son heure de gloire au XIVe siècle. Elle permettait aux marchands de Lübeck d’acheminer leurs marchandises vers les ports de la mer du Nord. Qui plus est, ils en profitaient pour vendre leurs produits dans les grands marchés de l’ouest et du nord comme à Heide, Meldorf et Husum. De leur côté, les paysans de Dithmarschen ayant conclu un traité d’association avec la Hanse en 1468, allaient écouler leurs biens vers la Baltique et de temps à autre, lorsqu’il y avait un conflit avec Dithmarschen, les soldats de la Ligue empruntaient la Trade pour mâter les rénitents. Du coup, ça en faisait du monde sur cette ancienne route (et vous imaginez bien qu’il y avait aussi du brigandage dans l’air).
La Lübsche Trade parcourait la péninsule à l’horizontale en partant de Lübeck et remontait ensuite vers les grands ports du Nord. Aujourd’hui, la B430 et la B77 se croisent à l’endroit même où la Lübsche Trade croisait l’ « Ochsenweg », un autre chemin qui partait du Danemark et qui descendait vers Hambourg. Ce second chemin, plus ancien encore, était surtout fréquenté par les marchands de bétail.


Les étangs à poissons près de Waldhütten

Au moment où vous commencez à vous lasser un peu de cette grande route, le romantisme revient à grands pas. Le chemin se rétrécit et soudain, la forêt s’éclaircit. Un premier étang apparaît sur le côté gauche.


Un couple de cygnes y élève ses petits.

Il est temps de tourner à gauche afin de rejoindre Waldhütten. Alors qu’autour du Boxberg, il y a tout un méli-mélo de sentiers de randonnée, dans cette partie de la forêt, il y a moins de chance de se tromper. A moins de ne pas faire attention et de louper le bon sentier comme nous l’avons fait. 😉 Au mieux, cherchez le panneau « Wanderweg 17 ». Il mène à Waldhütten.


Entre deux étangs, la forêt déborde de tons verts vivifiants. Ah ! les fougères !


En chemin, vous verrez toute une chaîne d’étangs aux paysages ravissants qui se succèdent au gré de la balade. C’est le calme complet. Un martin-pêcheur passe en coup de vent, les papillons butinent au soleil en claquant de la trompe tandis que les libellules font des acrobaties frénétiques au ras de l’eau. Leurs ailes crépitent dans le silence.


C’est de ce genre de ponts que les employés de l’entreprise de Waldhütten viennent s’occuper de leurs poissons ou que les abonnés peuvent pêcher.

En tout, Waldhütten gère 23 hectares d’eau et 42 étangs. Si vous voyez des poissons à la surface, ce seront surtout des carpes, des tanches et des sandres. Sinon, ce paradis aquatique accueille tout un tas de batraciens, des cygnes qui se promènent gracieusement sur l’eau et des couleuvres que personne ne vient déranger dans leurs bottes de paille.



Wanderweg 17 vers Waldhütten

La forêt ne semble pas prendre fin mais on ne le souhaite pas pour autant car chaque étendue d’eau semble différente et on se demande entre deux à quoi ressemblera la prochaine.



Soudain, au détour d’un dernier étang, le chemin s’arrête devant une route goudronnée. Tournez à droite en direction du tout petit hameau de Waldhütten. Très rapidement, vous tomberez sur des maisons aux façades rouges. La plupart des bâtiments ont été aménagés en maisons de location. Autant dire que les vacanciers doivent être tranquilles ici.

Arrêtez-vous en tout cas devant une grange historique (un « Speicher » de 1737) qui vaut le coup d’œil. Admirez le travail du temps sur le bois.



Ensuite, il est quand même temps de repartir à la case départ : le Boxberg. Reprenez le chemin que vous avez quitté dans les bois et allez en direction du nord-nord-ouest. Là, vous rencontrerez encore quelques étangs plus grands et peut-être même un héron à la recherche de quelques petits poissons.

Evidemment, il faudra retraverser la B430. Ici, la forêt est toujours aussi jolie. Par contre, selon le chemin que vous prendrez, il se pourrait qu’un panneau vous prévienne qu’il faut faire attention aux tiques. Aussi, vérifiez après votre balade que vous n’avez pas de nouveaux locataires et prenez un anti-tiques au préalable ou mettez des pantalons longs. C’est plus sûr !

Après une superbe randonnée comme celle-ci, ça donnerait même envie de revenir à Neumünster, enfin plutôt dans sa région. En automne ou quand il y aura de la neige parce que ça doit être certainement très beau aussi. Envers et contre tout préjugé !


Entre deux étangs

Informations utiles

Le site web du parc naturel d’Aukrug présente différents circuits de randonnée dont celui de Boxberg – Waldhütten (8,8 km) dont je me suis inspirée pour le parcours que je présente dans mon blog. Après avoir traversé la B430, j’ai préféré prendre la Lübsche Trade à l’aller. Au retour, je suis passée par la Schäferkoppel. C’est tout.

A faire dans le coin