You are currently viewing Les lagunes du parc national de Poméranie

Les lagunes du parc national de Poméranie

Cela ne se voit pas mais la mer Baltique est une petite jeunette. 12 000 ans pour une mer, c’est peu. D’ailleurs sur notre planète, c’est la plus récente. Et pourtant, elle a déjà vécu de grands changements.

Sur la mer Baltique

Issue de la fonte du glacier scandinave, la mer Baltique est passée peu à peu d’un statut de lac proglaciaire à celui de mer lorsque la terre s’éleva par effet de levier et que finalement, elle s’ouvrit à l’océan Atlantique au niveau de l’Øresund, détroit situé entre le Danemark et la Suède.

C’est alors que son eau douce devint saline, du moins dans sa partie occidentale. En effet, qui boit la tasse dans la mer Baltique, n’aura pas la même impression s’il la boit à Kiel ou à Tallinn. A Kiel, il ingurgitera 1,5% de sel alors qu’à Tallinn, il boira une eau pratiquement douce. Pourquoi ? La ville de Kiel étant proche du détroit, est encore sujette aux courants d’eau salée venant de la mer du Nord (cette mer, elle, a un taux de salinité de 3,5%). Tallinn par contre se trouve dans le golfe de Finlande, tout au fond de la mer Baltique. Entre temps, tous les fleuves et rivières du continent ont déversé leur eau douce dans la mer, surtout au printemps pendant la fonte des neiges. Et même si la mer Baltique n’est pas profonde par rapport à nos océans, elle est bien plus profonde dans sa partie septentrionale qu’à l’ouest.

Les seuils freinent le renouvellement des eaux. Les courants d’eau salée descendent vers les fonds et font remonter l’eau douce vers la surface. D’ailleurs, cette mer n’a pratiquement pas de marée non plus.


La mer Baltique n’a qu’une profondeur moyenne de 50 mètres mais elle devient bien plus profonde à l’est du Darß.

Un avantage — Grâce à ces courants lents et à la faible teneur en oxygène de l’eau en profondeur, les épaves comme celle du Mars, navire de guerre suédois, se conservent remarquablement bien dans la Baltique. Une aubaine pour l’archéologie sous-marine !

Mais c’est aussi ce qui rend l’écosystème de la Baltique très fragile. Le passage créé pendant l’ère vistulienne et la salinisation de la mer Baltique ont permis aux espèces de la mer du Nord de migrer dans cette nouvelle mer à condition qu’elles s’adaptent à un taux de salinité variable.


Le plancton est la base de la vie animale en mer Baltique (modèle exposé à l’Ozeaneum de Stralsund).
Au niveau du Catégat, la faune est encore similaire à celle de la mer du Nord et à l’Atlantique.
En Baltique occidentale, la faible profondeur et l’eau encore salée permettent aux espèces de s’acclimater. Plus à l’est, c’est tout un art de survivre.

Cela va certainement vous étonner mais l’étoile de mer par exemple qui supporte bien les eaux saumâtres fera jusqu’à 40 cm dans la mer du Nord, mais seulement 10 cm à Kiel. Petite explication : Cette différence de taille est dûe en grande partie à la pression osmotique. La fluctuation de la teneur en sel de l’eau de la Baltique l’oblige à réguler la rétention de sel et d’eau de ses tissus. Donc, nous avons dans la mer Baltique une répartition et cohabitation étonnante d’espèces qui vivent en eau de mer, en eau douce ou en eau saumâtre.

Les lagunes ou Bodden du parc national

Le parc national de Poméranie comprend la presqu’île de Darß et de Zingst et s’étend jusqu’à l’île de Rügen, incluant l’île de Hiddensee et les lagunes séparées de la mer Baltique par des bandes de sable et des îlots. Ces lagunes sont appelées « Bodden » en allemand ce qui est une variante de « Boden » (‘sol’).


Dûe à son eau saumâtre, la flore du Bodden ressemble à celle d’un lac ou d’une rivière.
Voici une reconstitution du paysage sous-marin dans les lagunes près de Prerow (aquarium de l’Ozeaneum).

Sol ? En fait, cela paraît assez logique puisqu’elles ne font pas plus de 2 mètres de profondeur. Le paysage côtier de cette grande réserve naturelle (qui fait en tout quand même 815 km²) est composé d’une part d’un littoral de dunes parfois boisées et de falaises mais aussi de langues de terre périodiquement inondables et d’un archipel d’îlots au milieu des grandes lagunes.

Voici le paysage magnifique qui se présente à l’automne. De quoi rêver !



Le spectacle féerique des grues cendrées

C’est là, au milieu de ces étendues d’eau peu profonde que se retrouvent d’immenses troupeaux de grues cendrées en automne pour le plaisir des ornithologues et touristes amoureux de nature. On peut alors les observer à la jumelle depuis différents postes d’observation qui sont placés sur les digues autour du Bodden. Pendant des semaines, des rangers de l’association NABU y sont présents pour informer les intéressés. En 2018, ils avaient installé un poste mobile sous forme de roulotte à Zingst, en face de l’île de Kirr qui est le dortoir préféré des grues cendrées.



Il est possible aussi de faire un tour de bateau dans la lagune. Ces mini-croisières assez coûteuses sont appelées « Kranichfahrt » et commencent en général en fin d’après-midi puisque c’est en début de soirée que les grues cendrées atterrissent par centaines ou voire par milliers sur les îles pour y passer la nuit. J’ai opté pour l’encadrement de NABU qui me paraissait plus sérieux et même si ce soir-là, il y avait moins de grues que les jours précédents, grâce au bon équipement et à l’œil perçant de notre ranger bénévole, nous avons pu voir des très beaux spécimens ainsi qu’un aigle pêcheur.

Un peu d’histoire

Ce qu’on ne sait pas forcément — ça ne fait pas longtemps qu’on parle de la presqu’île Fischland-Darß-Zingst. A l’origine, cette bande sableuse était un composite d’îles et de bandes de terre dans un paysage de lagunes.

Dans la nuit du 12 au 13 novembre 1872, du Danemark à la Poméranie, une onde de tempête dévasta les côtes, détruisant des villes entières sur son passage. Prerow et les villages avoisinants furent complêtement inondés. Pendant cette tempête qui fut désignée comme la plus désastreuse dans les chroniques allemandes et qui est considérée encore aujourd’hui comme crue millénale, une bande de sable se créa, reliant l’île de Zingst au Darß. En 1874, une digue fut construite pour consolider ces nouvelles terres et surtout pour empêcher une future inondation.

C’est pour cette raison que le port de Prerow qui se trouve en face de l’église est un cul-de-sac de nos jours. Le Prerower Strom, courant qui passe dans la lagune et qui se déversait auparavant dans la mer, s’arrête là. Donc, si vous voulez faire le tour du Bodden, c’est d’ici que vous pouvez partir. Et regardez ! Le bateau a un petit air de Mississippi.



Petits conseils de vous à moi

Partez de Barth, petite ville charmante située au bord du Bodden.
Arrêtez-vous au passage à Pruchten, petit village caché dans les joncs, pour admirer des Zeesenboote, bateaux en bois traditionels du Bodden qui ont la particularité d’avoir une coque plate.

Suivez ensuite la route qui mène vers Prerow et Zingst qui sont les deux villes balnéaires les plus importantes de la côte et faites un arrêt au pont qui permet d’aller sur la presqu’île de DarßZingst.
Postez-vous à la station mobile des rangers bénévoles de NABU à Zingst et n’oubliez pas vos jumelles. Ou alors, si vous préférez, faites une petite croisière à la découverte du Bodden et de ses grues.

Plus d’informations

Les photos d’animaux marins ont été prises au musée de Stralsund, à l’Ozeaneum, dans la section « Mer Baltique ».

Natureum de Darß

Je conseille vivement la visite du Natureum, petit musée qui se trouve dans le phare de Darß et qui est une annexe de l’Ozeaneum de Stralsund. Vous aurez des informations sur la mer Baltique en général et des visualisations vous expliqueront très bien les modifications du littoral de la région depuis la création de la mer Baltique jusqu’à aujourd’hui. Il permet d’avoir une vue panoramique du parc national du haut de la tourelle du phare. Ce musée n’est accessible qu’en vélo, petit train, charrette ou à pied. Combinez donc avec une belle promenade le long de la plage.

Pour plus d’informations, lisez mon article sur le Far-Est.

 Ozeaneum de Stralsund

Un musée immense dans une belle ville à cachet historique qui rassemble les océans, la mer du Nord, la mer Baltique et le monde des géants marins et qui vaut le déplacement. A faire et à refaire !

Pour plus d’informations, lisez mon article sur Stralsund.

 Kranorama de Großmohrdorf

Même si, faute de temps, j’ai opté pour le point d’observation de Zingst qui se trouve juste devant l’île de Kirr, je conseille un centre d’information sur la route de Stralsund qui semble très intéressant. Les rangers nourrissent régulièrement les grues si bien qu’on peut les voir avec plus de probabilité et en grand nombre. Cet automne, elles étaient plus de 63 000 à séjourner dans les lagunes (mi-octobre 2018). La page de Kranorama permet d’avoir des renseignements actuels sur le nombre des grues et leur emplacement ainsi que sur leur départ vers les pays plus chauds. On y trouve également des informations pratiques, par exemple les activités du groupe NABU : les heures de balades en accompagnement et les points d’observation où on trouvera des grues.