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L’école buissonnière de Ellerhoop

Saviez-vous qu’en Allemagne, les arbres allaient à l’école avant d’être mis en vente et plantés dans les jardins particuliers ?

En effet, pour désigner une pépinière, les Allemands utilisent le terme très étrange de « Baumschule » (école d’arbres) ce qui suggère que les jeunes plants ont besoin d’un tuteur, d’un endroit bien structuré et parfois même d’une petite correction afin de pousser droit. En réalité, ce mot est un peu trompeur car il se réfère au verbe « verschulen » qui signifie ‘transplanter’, action nécessaire afin d’assurer une meilleure croissance des racines. Mais ça, en Allemagne, pratiquement personne ne le sait et du coup, on reste le plus souvent sur l’image d’une nature à dompter.

Pinneberg, le berceau de la forêt allemande

C’est au nord-est de Hambourg, dans la région de Pinneberg, que la majorité des arbres allemands est scolarisée et même si les écoles « buissonnières » y sont en régression, on comptait encore presque 3000 hectares de pépinières et à peu près 290 entreprises en 2017. En Europe, il n’y a aucun endroit avec une telle concentration de pépinières. D’ailleurs, un tiers des arbres allemands provient de Pinneberg ou de ses environs ce qui vaut à la région le titre de « berceau de la forêt allemande ».

Lorsque le baron Caspar Voght créa la toute première pépinière en 1795, lui et son associé écossais James Booth, arboriculteur de son état, ne se doutaient probablement pas que Pinneberg allait se transformer en un énorme bahut. Néanmoins, ils remarquèrent certainement que de nombreux jardiniers qu’ils avaient formés s’installèrent dans la région par la suite. Non seulement le sol et le climat s’y prêtaient mais en plus, la ligne de chemin de fer qui fut construite vers le milieu du XIXe siècle ainsi que la proximité du port de Hambourg permettaient de faire des affaires en dehors de la région.

Parmi toutes ces écoles d’arbres, il y en a une qui nous intéresse ici tout particulièrement même si en général, on n’y va pas en premier lieu pour acheter des plantes. Il s’agit de l’arboretum de Ellerhoop.

Le jardin de Ellerhoop et ses origines



Cette ferme historique appelée Münsterhof était déjà une pépinière depuis 1943 lorsque son propriétaire décida d’y créer un arboretum en 1956. Pour ce faire, il fit appel à un dendrologue qui agença les 3,75 hectares en les transformant en parc. A l’époque, on y trouvait principalement des arbres et des arbustes. Mis en vente en 1980, la ferme et son terrain furent alors rachetés par la circonscription de Pinneberg et depuis, l’arboretum géré par une association compte 17 hectares dont plus de 7 ouverts au public. Je ne me suis pas amusée à vérifier mais il paraît qu’on y trouve de nos jours quelque 4000 sortes de plantes et d’arbres de tous les continents.

L’arboretum de Ellerhoop qui s’appelle également « Exposition horticole du Nord de l’Allemagne » (Norddeutsche Gartenschau) est le fruit du travail du professeur Hans Dieter Warda et de son équipe. Aussi visionnaire que dynamique, ce spécialiste y a réalisé un véritable chef-d’œuvre depuis les années 1980 (son engagement bénévole lui a d’ailleurs valu la croix fédérale du Mérite). Aussi, ce n’est pas un hasard si 100 000 personnes y vont cueillir des pâquerettes tous les ans. Depuis quelque temps, on y tourne même une émission de télévision régionale sur le jardinage.


« J’ai vu le printemps. »

Tandis que l’arboretum initial avait été créé dans la perspective de présenter une belle collection dendrologique, l’objectif actuel se veut également pédagogique. Aussi, une partie du jardin est dédiée à l’écologie.

Prenons maintenant la clé des champs et partons à la découverte de ce superbe parc qui nous fait tantôt rêver à des paysages lointains, tantôt passer à travers champs et même voyager dans le temps mais toujours en douceur, dans une harmonie complète des formes et des couleurs.

« Voyage, Voyage »

Les parfums du Sud

Qu’ils s’appellent « Le chemin des clématites », « Les couleurs romantiques » ou « Le jardin du Sud », nous voici partis dans les jardins de la Toscane ou comme à deux pas d’un château baroque. Impossible de dire si l’on voyage en Europe ou dans le temps. On se laisse tout simplement aller, à la découverte des allées de buis et des superbes rosiers. On se délecte des vues changeantes en marchant sous d’imposants ramblers ou des tonnelles de clématites en fleurs. Les odeurs de lavande chatouillent gentiment les narines et l’âme respire.



L’âme de l’Asie

Plus loin, au gré des chemins, nous voilà dans des jardins d’Asie aux noms poétiques tels que « Le jardin de l’âme ». Il s’agit d’une nature savamment domptée et sculptée avec minutie pour le repos intérieur. Au printemps, une multitude de perles rares telles que les sabots de Vénus éclaircit les sous-bois.



On joue à cache-cache dans une jungle de bambous plantés là il y a vingt ans et au mois d’août, on s’assied tranquillement devant le grand bassin de lotus puisqu’ils sont en fleurs.

Une mer de pivoines

En prenant le Chemin du Soleil, en plein milieu des menthes à chat en fleurs, on se retrouve soudain dans une mer de pivoines. Il faut préciser que dans l’arboretum de Ellerhoop, il y en a 2500 plants dont 250 sortes différentes. D’ailleurs, il s’agit de la plus grande collection de pivoines en Allemagne. Tout simplement beau ! Logique qu’on voie des photographes un peu partout autour des massifs par beau temps.



Et dans le jardin, à l’improviste, on croise parfois encore de belles pivoines aux couleurs et aux dimensions extraordinaires comme celle-ci :



Que de couleurs pour les yeux !

On en prend plein les yeux dans le Jardin blanc, le Jardin rouge et le Chemin bleu. En fait, il y en a pour tous les goûts et selon la volonté du maître, il s’agit d’un jardin structuré et moderne ou un peu fouillis et sauvageon.



A travers champs

Qui trouve que ça suffit, peut bifurquer vers un grand champ et se laisser bercer par le calme des fleurs sauvages. Pourquoi ne pas s’installer dans un coin, caché par les herbes hautes, au soleil ? A coup sûr, vous entendrez vibrer les ailes des abeilles.



Ecologie entre passé et futur

Enfin, toute une partie de l’arboretum est dédiée aux périodes antérieures de la végétation ainsi qu’à son avenir. C’est ici que l’on peut en savoir plus sur les forêts arboricoles du Carbonifère et sur les Cyprès du Tertiaire. Mais on apprend également quels arbres pourraient devenir les habitants de nos forêts futures grâce à leur anatomie.

Le passé des forêts

En face des lotus, vous verrez deux serres rondes qui tranchent avec le paysage. Tandis que la blanche recueille un arbre fossilisé, la jaune contient une exposition sur l’ambre. Ainsi toutes deux remontent le temps, nous expliquant le passé des arbres.



Le General Sherman Tree

De loin déjà, un tronc étrange avait attiré l’attention. En approchant, on constate qu’il s’agit de la reconstitution 1:1 des onze premiers mètres du plus grand arbre du monde. En effet, ici, on se trouve devant une partie du célèbre General Sherman, séquoia géant qui vit en Californie depuis environ 2000 ans d’après les experts. Petite touche d’humour : au centre de cette construction en béton et acier se dresse un jeune spécimen. Cet « arbre mammouth » comme on l’appelle en Allemagne a 40 ans. Du coup, il a encore le temps de pousser un peu avant de faire exploser son corset.



Les forêts du futur

Les forêts du futur ressembleront-elles à ces arbres qui poussent aujourd’hui dans les mangroves ? Leur anatomie qui leur permet de supporter des changements climatiques abrupts fait réfléchir les spécialistes à un tel scénario.



En guise de conclusion

En attendant, vous voyez qu’un petit tour dans cette école buissonnière vaut le coup. Les photos ont été prises au printemps mais il paraît que l’Indian Summer est très sympa aussi.

Arboretum de Ellerhoop
Thiensen 4
24373 Ellerhoop

Site de l’arboretum

A faire dans la région

Une promenade géologique très originale à faire à quelques kilomètres de là serait le parcours de la Liether Kalkgrube. On se croirait devant un Rustrel miniature et dans la Vallée des Saints à Boudes. Dépaysant !